Dans une famille cairote de la petite-bourgeoisie, deux frères s’éprennent de Nawal, une adolescente de 16 ans. Cette évocation d’un milieu social en pleine mutation dans l’Egypte de la Seconde Guerre mondiale analyse les représentations de la femme dans les sociétés arabes, et constitue l’un des premiers romans réalistes de la littérature arabophone.
Qui est Naguib Mahfouz ?

Né le 11 décembre 1911 au Caire et mort le 30 août 2006 dans la même ville, est un écrivain égyptien contemporain de langue arabe et un intellectuel réputé d’Égypte, ayant reçu le prix Nobel de littérature en 1988.
La carrière littéraire de Naguib Mahfouz se confond avec l’histoire du roman moderne en Égypte et dans le monde arabe. Au tournant du XXe siècle, le roman arabe fait ses premiers pas dans une société et une culture qui découvrent ce genre littéraire à travers la traduction des romans européens du XIXe siècle. Pour autant, pour Naguib Mahfouz, une société aussi forte et aussi ancienne que la société égyptienne, ayant conservé des traditions millénaires tout en se modernisant, peut s’approprier et intégrer, sans crainte, quelques aspects de la culture occidentale. Car cet écrivain s’est mis surtout, dans son œuvre, à l’écoute de ce peuple égyptien, de ses aventures intimes comme de son histoire.
De quoi il s’agit ?

En 1941, fuyant la ville moderne bombardée par les Allemands, une famille de la petite-bourgeoisie s’installe dans un vieux quartier du Caire, Khan al-Khalili, réputé plus sûr. Là, le fils aîné, Ahmad, quadragénaire taciturne et misogyne, s’amourache d’une jeune fille de seize ans, Nawal, mais n’ose pas la demander en mariage. Son frère cadet, Rouchdi, qui est encore à sa charge, sera plus entreprenant avec elle, et Ahmad est contraint d’assister en silence à leur idylle, plus amer que jamais. A la mort de Rouchdi, par suite d’une maladie pulmonaire, il fuit et le vieux quartier et Nawal…
Publié en 1946, Le Cortège des vivants (Khan al-Khalili) est l’un des premiers romans réalistes de Naguib Mahfouz et de toute la littérature arabe. On y trouve déjà l’ambiance populaire de Passage des miracles et de la Trilogie, et, finement dessinés, ces espaces typiques du vieux Caire, “l’escalier, les terrasses où se cherchent les mots et les gestes de l’amour” selon les termes d’André Miquel. Témoignage précis sur l’Egypte durant la Seconde Guerre mondiale, évocation d’un milieu social en pleine mutation, analyse des représentations traditionnelles de la femme dans les sociétés arabes, ce roman est surtout remarquable par le personnage de Nawal, adolescente soudain transfigurée par le désir des hommes.
Quel en est le but ?
Le cortège des vivants, qui raconte l’histoire de cette famille déchirée par l’amour et la maladie, est cet émouvant hommage à la création que nous offre généreusement ce Zola égyptien, prix Nobel en 1988. C’est l’histoire d’un Islam de paix qui trouve dans sa foi cette volonté de célébrer la vie malgré les épreuves. Mahfouz fait une nouvelle fois preuve d’une touchante sobriété et d’une grande finesse d’esprit, toutes qualités littéraires et humanistes qui n’ont plus cours que très rarement dans la littérature moderne, fort malheureusement.