Ce qui se passe en Tunisie n’est pas un coup d’Etat. C’est juste un soulèvement contre une confrérie en particulier qui veut s’emparer du pouvoir après la révolution et qui pense que son absence au pouvoir est un coup d’Etat. Telle est la vérité souvent ignorée. Le président Kaïes Saïed a été accusé à tort d’avoir mené un coup d’Etat, alors qu’en Tunisie, sa popularité augmente crescendo. En 2019, son adversaire du Mouvement d’Al-Nahda (frèriste) n’a pas pu obtenir autant de voix que lui. Et, l’écart était évident.
En d’autres termes, le peuple tunisien a choisi librement Kaïes Saïed plus que toute autre personne, ou tout autre courant. Saïed est professeur de droit constitutionnel, tout au long de sa vie, il n’a ni fait partie d’un parti, ni d’un groupe. Il appartient aux Tunisiens ordinaires. Durant les élections, il se distinguait par son arabe éloquent, son manque de ressources financières, sa modestie. Cette campagne électorale était menée par ses étudiants et ils ont mené la bataille à partir d’un appartement loué très modeste. Il a également refusé de recevoir les sommes allouées par l’Etat tunisien en vue de faire des élections parlementaires. Il se déplaçait à pied entre les gens dans les rues et les marchés. Il n’a pas tenu un seul meeting électoral. Et, pourtant, il a remporté les élections présidentielles, barrant la route au candidat du Mouvement d’Al-Nahda qui est d’ailleurs venu en troisième place après l’homme d’affaires Nabil Karoui. Au second round des élections, Kaïes Saïed le non riche était face à Nabil Karoui le richissime tunisien. Ce dernier est encore accusé de corruptions. Dire que le résultat des élections était une surprise ne serait pas tout à fait correct : il était évident que les Tunisiens avaient donné leur voix à Saïed et il ne faut pas oublier que le taux de vote était énorme. C’était finalement Kaïes Saïed, à l’âge de 61 ans, qui a remporté l’élection présidentielle en Tunisie. L’universitaire spécialiste du droit avait été élu président de la République en remportant plus de 72 % des suffrages face à l’homme d’affaires Nabil Karoui.
Sa popularité était inédite et lui a permis de remporter les élections. D’ailleurs, certains l’ont baptisé « Kaïes de la Tunisie » en référence à l’histoire d’amour arabe « Kaïes et Leïla » qui ne se termine pas malheureusement par un mariage. En cela, ils voyaient que le fait que le président Kaïes ait des prérogatives très limités l’empêcherait de tenir ses promesses électorales. Tel était véritablement le dilemme à travers lequel Saïed a décidé de s’en sortir avec les décisions du 25 juillet dernier : démettre le gouvernement, suspendre le Parlement, lever l’immunité de ses députés.
Seuls les Tunisiens disposent du droit de juger les décisions de Kaïes Saïed. Des décisions qu’il a prises après une longue patience et une vraie paralysie des institutions de l’Etat. S’ajoutent à cela la détérioration des conditions économiques et sociales, la propagation du coronavirus, la hausse du chômage, les dettes inédites de la Tunisie.
En plus la récession économique a atteint 8,6% et de l’impuissance du Parlement divisé au point d’être incapable de trancher un dossier. Le Mouvement d’Al-Nahda a conclu sous le dôme du Parlement tunisien une coalition avec l’homme d’affaires Karoui, alors que ce dernier n’a pas encore été blanchi des accusations de corruption. Tout cela a poussé la Tunisie à vivre une situation très dangereuse.
Et, le président s’est trouvé dans l’obligation d’appliquer l’article 80 de la Constitution qui lui tolère de geler le Parlement pendant un mois et si ce dernier est incapable de former un gouvernement, le président dispose alors le droit de le dissoudre totalement. Saïed a paru pour les uns au début de son élection comme étant un président protocolaire dont le rôle serait de recevoir les plus hauts invités à Carthage et à signer quelques accords et quelques conventions. Mais l’homme a surpris tout le monde et il a refusé d’être dompté. Il a même su très bien exploiter les prérogatives limités qui lui ont été attribués. Il s’est attaché aux particularités de la sécurité nationale, de la défense, des relations externes. Il a investi la paralysie du Mouvement d’Al-Nahda à former un gouvernement et à nommer un Premier ministre le représentant.
Ledit Mouvement semble oublier les vraies causses qui ont mené à la révolution du 14 janvier 2011 : le jeune tunisien universitaire qui était obligé de vendre des fruits et des légumes et lorsque sa marchandise a été saisie, il s’est immolé au feu. La détérioration de la situation a éveillé la souffrance de milliers de Tunisiens qui se sont rappelés à quel point le développement économique et social est en tête de leurs priorités. Tout cela, Saïed l’a pu bien compris et je crois que cela va le pousser à tenir des élections anticipées et à juger les corrompus après un amendement de la Constitution. Ainsi, a-t-il reconnu que la Révolution tunisienne avait besoin de reprendre les bons rails.