Récemment, le rideau s’est levé sur une œuvre d’une rare intensité au Palais de la Culture d’Assiout. « Le Toit haut », pièce poignante signée de la plume sensible de Hossam El-Din Abdelaziz et portée avec rigueur par la mise en scène de Hany Mohamed, s’est inscrite dans le cadre du Théâtre de sensibilisation, une initiative de l’Organisme général des palais de la culture, présidé par le général Khaled El-Labban, sous l’égide du ministère de la Culture, décidée à semer l’éveil au cœur des territoires.Ce théâtre-là n’amuse pas, il interroge, ébranle, élève. Et quoi de plus universel que la maison comme point d’ancrage de tous les bouleversements intimes et collectifs ? Ici, la maison devient symbole, métaphore d’un pays, d’une famille, d’un ordre moral fragile mais résistant. Elle est dite “haute”, non par sa hauteur physique, mais par la noblesse de ce qu’elle incarne : l’amour, la justice, la mémoire et la dignité.La pièce, structurée comme une tragédie contemporaine, ausculte avec subtilité les fissures du quotidien, les tiraillements d’un monde qui change trop vite, où les valeurs chancellent, où les liens familiaux sont mis à rude épreuve. Elle traite des fractures culturelles, morales et économiques, non pas avec le ton d’un sermon, mais avec la délicatesse d’un regard humain.Le metteur en scène Hany Mohamed orchestre avec brio un théâtre total. La scénographie, signée Hamdy Kotb, est épurée, presque onirique, donnant au spectateur l’impression d’entrer dans un espace suspendu entre le passé et l’aujourd’hui. Les lumières de Michael Yacoub sculptent les émotions comme des pinceaux sur une toile mouvante. La musique de Nevine Rostom, arrangée par Ahmed Khair, ne se contente pas d’accompagner : elle respire avec les corps et les silences, s’élève là où les mots échouent.Les dialogues, d’une précision chirurgicale, offrent à chaque personnage l’ampleur de ses démons, de ses regrets, de ses rêves avortés. Le public, suspendu à ces voix intérieures qui sont peut-être aussi les siennes, ne regarde plus : il partage.Mention spéciale au travail sonore d’Essam Abdel Nabi, au langage corporel dirigé par Walid Ammar, et à Islam Basta, assistant metteur en scène, qui a su coordonner cet ensemble avec une élégance discrète.« Le Toit haut » n’est pas simplement un spectacle. C’est une prière murmurée à l’oreille des consciences, un hommage à ce que la société a de plus précieux : ses fondations humaines. Tant que l’amour et la lucidité habiteront la maison, celle-ci restera debout — haute, contre vents et marées.La pièce se joue jusqu’à demain, vendredi. Allez-y. Laissez-vous traverser.