A bien des égards, la situation économique d’aujourd’hui rappelle les années 1970. Les chocs énergétiques ravivant l’inflation avaient conduit à la hausse des taux d’intérêt, à la récession et à la défaillance de certains pays en développement. L’histoire pourrait se répéter avec les conséquences de la guerre en Ukraine, avance le centre de réflexion du Cepii. L’état de l’économie mondiale n’est pas sans rappeler celui qui prévalait dans le courant des années 1970.
Sauf que « le contexte actuel est à plusieurs égards potentiellement plus explosif ». C’est le constat dressé par Jézabel CouppeySoubeyran, maîtresse de conférences en économie à l’Université Paris 1 PanthéonSorbonne et corédactrice en chef de « L’économie mondiale 2023 », un ouvrage publié chaque année et présenté mercredi dernier par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).
La guerre en Ukraine et ses conséquences sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, les prix de l’énergie et les prix alimentaires annihilent les espoirs de reprise postpandémie de Covid-19. Le pessimisme ambiant se nourrit des pressions inflationnistes, appelées à durer, et de la crise énergétique qui s’annonce sévère en Europe. « Le parallèle avec la stagflation des années 1970 ne pousse pas à l’optimisme », avance Thomas Grjebine, économiste au Cepii.
A l’époque, pour casser l’inflation générée par les deux chocs pétroliers et l’indexation des salaires sur l’inflation, les banques centrales avaient fortement relevé les taux d’intérêt. Conséquence : une récession mondiale accompagnée d’une crise des dettes des pays en développement. L’histoire pourrait bien se répéter. L’Europe à l’épreuve d’une fragmentation Depuis 2010, l’économie mondiale a connu une vague d’endettement la plus importante, la plus rapide et la plus synchronisée de ces 50 dernières années, observe l’économiste.
La hausse des dettes publiques est un réel danger pour les pays qui s’endettent en devises étrangères. « C’est le cas de la zone euro car la devise européenne est comme une monnaie étrangère pour les pays membres qui s’endettent dans une devise qu’ils ne contrôlent pas. Une fragmentation de la zone euro n’est pas à exclure », craint Thomas Grjebine.
L’inquiétude concerne avant tout les pays du Sud qui affichent des niveaux très élevés d’endettement public (200 % du PIB en Grèce, 150 % en Italie, 123 % en Espagne). Les pays émergents et en développement suscitent aussi des craintes puisque leur dette en devise étrangère représente 25 % de leur dette publique contre 15 % en 2009.
Que dire de la dette privée dans ces pays qui s’élevait à 142 % du PIB en 2020 contre seulement 32 % à la fin des années 1970 ? Le resserrement monétaire américain qui se profile pourrait générer une nouvelle crise de la dette, comme en 1979 pour les pays d’Amérique latine suivie d’un défaut de paiement du Mexique en 1982 . Autre similitude pointée par le Cepii, l’évolution des salaires et de l’inflation.