La hausse des taux d’intérêt à long terme, enclenchée pour lutter contre l’inflation, favorisera certains épargnants ou certaines entreprises, mais pénalisera l’Etat, et les plus endettés.
La hausse des taux d’intérêt enregistrée en quelques mois est assez impressionnante : la rémunération des emprunts à dix ans de la France, encore négative à l’été 2021, atteignait 2% fin juin dernier. Il est logique de s’interroger sur les effets d’un tel durcissement sur le niveau d’activité, comme sur celui d’inflation. En particulier quand cette dernière provient essentiellement de la hausse du prix des matières premières. On sait qu’il faut alors faire fortement reculer la demande de biens et services, pour compenser la baisse de l’offre de biens et services qui résulte de la hausse des prix des matières premières.
Mais on s’intéresse insuffisamment, en revanche, aux effets redistributifs d’une telle hausse des taux : qui seront les gagnants et les perdants de la remontée, parmi les différents groupes d’agents économiques ? Si, comme cela se produit aujourd’hui, c’est une hausse des taux d’intérêt réels, c’est-à-dire corrigés de l’inflation, que ces acteurs doivent affronter, cela pénalisera en premier lieu les plus endettés d’entre eux (Etats, ménages, ou entreprises).
On se rappelle en effet qu’une telle hausse, toutes choses égales par ailleurs, fait monter le taux d’endettement. Ce qui conduira les Etats à réduire leurs déficits budgétaires primaires (hors intérêts sur la dette publique), les ménages à diminuer leurs achats de logements à crédit, et les entreprises à moins investir. Cet effet serait toutefois lent dans les pays comme la France, où l’essentiel des dettes est à taux fixe : seuls les nouveaux emprunteurs seraient pénalisés.
Le marché du travail pourrait être le second concerné. Les analyses montrent en effet que les politiques monétaires expansionnistes font davantage baisser le taux de chômage des salariés peu qualifiés que celui des salariés qualifiés. C’est là un des buts des « politiques de la surchauffe », qui consistent à maintenir des programmes monétaires accommodants même quand le taux de chômage est bas, pour continuer à faire progresser l’emploi des peu qualifiés. On peut donc craindre qu’à l’inverse la remontée des taux d’intérêt soit défavorable à ce type de salariés.
La troisième conséquence à attendre de cette hausse des taux, qu’ils soient nominaux ou réels, est due à la structure de l’épargne détenue par les ménages, en fonction de leurs revenus. Les foyers modestes, qui placent surtout en produits obligataires peu risqués (Livret A, fonds en euros de l’assurance vie), obtiendront ainsi une meilleure rémunération.
Tandis que les ménages aisés, qui épargnent surtout en actifs financiers plus risqués (actions, immobilier, obligations d’entreprises…), seront pénalisés par la hausse de la « prime de risque » associée à ces placements, elle-même due à la hausse des taux d’intérêt à long terme.