Chacun de nous se rappelle les histoires de sa grand-mère. Des histoires qui ont été héritées d’une génération à l’autre. Evidemment, chaque génération a ajouté sa propre sauce et a permis aux autres d’en goûter une nouvelle saveur. Les histoires de grand-mère cherchent à rappeler aux adultes ces doux moments passés à l’ombre des persiennes à écouter les histoires de nos aïeuls à l’âge de l’innocence.
L’observateur silencieux
Observer est un art, surtout si l’observateur est silencieux et communique peu. Dans ce cas, il peut découvrir les moindres détails inconnus par autrui. C’est le cas de notre jeune observateur silencieux. Kamel est un jeune homme très calme, incapable de parler facilement, il avait l’habitude de balbutier. Face à l’impatience des gens, il a pris l’habitude de garder le silence, d’écouter et d’observer plus que de parler.
Devenu silencieux constamment, Kamel devient presque inaperçu pour son entourage. Personne ne le voit et ne le prend pas en considération. D’où, il pouvait voir beaucoup de personnes sans leur masque habituel. Obligé de gagner sa vie, car n’ayant pas d’enfants, il travaillait chez un commerçant du village. Le commerçant avait une épouse très calme et très douce. Elle parlait peu, mais elle aimait son foyer et sa famille. Ainsi, reste-t-elle le plus souvent chez elle. Elle savait gérer sa maison avec astuce et parfaitement bien. Zéro erreur, zéro faille. Tout allait bien. L’épouse du commerçant avait une jeune servante sur laquelle elle comptait énormément. La jeune servante commençait à se plaindre à sa maîtresse des voisins.
– Madame, les voisins nous épient à travers les fenêtres. Nous sommes des femmes respectables et chastes, je vous propose de changer les rideaux par d’autres plus épais et moins transparents.
L’épouse du commerçant en parla à son mari qui a décidé sur le champ de changer de rideau et d’ajouter des persiennes en bois à toutes les fenêtres de la maison. Les femmes pouvaient ainsi garder les fenêtres bien fermées et nul ne pouvait les voir de l’extérieur, ni de l’intérieur.
Petit à petit, la femme du commerçant se sent à l’aise dans cette nouvelle ambiance. Tout lui paraît plus sécurisé et moins dangereux. Plus de regards curieux en tout cas. Une seule chose l’a préoccupée ces jours-ci : pourquoi les provisions de la maison s’épuisaient si rapidement ?
Elle n’avait pas une famille nombreuse et tout au long de sa vie, elle avait appris à ses enfants à ne pas consommer de manière illogique. Mais, elle n’avait aucune idée où allaient les provisions. Puis, un jour, elle a reçu la visite de sa voisine, celle qui était accusée de curiosité.
Sa voisine lui avait fait une belle tarte aux citrons comme d’habitude :
– Je suis ravie de vous voir. Depuis que vous avez installé les nouvelles persiennes et les rideaux, on se voit moins. On avait l’habitude de se voir et de se saluer par les fenêtres des cuisines.
L’épouse du commerçant ne parlait pas, elle restait souriante et accueillante comme d’habitude. Mais, elle se disait : finalement, j’avais bien raison de suivre les conseils de la servante. Ils étaient en train de nous épier en silence.
La voisine avant de partir dit alors :
– Pourriez-vous me donner la recette du pain et de tartes aux fruits que vous faites tous les matins à l’aube ? C’est vrai que je ne vois plus la servante les confectionner car elle ferme constamment les persiennes, mais je peux percevoir leurs parfums qui s’affichent malgré la fraîcheur de l’aube chaque jour.
L’épouse du commerçant ne sachant quoi dire a répondu qu’elle lui donnerait plus tard. En effet, elle n’avait jamais donné des ordres à sa servante de faire du pain, ni des tartes aux fruits, et en tout cas, jamais à l’aube. Le lendemain à l’aube, elle décide d’aller sur la pointe des pieds pour découvrir ce qui se passe dans la cuisine. Elle avait besoin de savoir si sa voisine disait n’importe quoi et de comprendre où allaient les provisions.
Sur la pointe des pieds, elle arrive à la porte de la cuisine, une douce odeur de pain et de tarte parfumait les lieux : elle a ouvert calmement la porte et a trouvé sa fidèle servante en train de sortir pain et gâteaux du four.
Elle referme la porte avec prudence et repart se mettre dans le lit. Quand elle se réveille, elle a attendu toute la journée que sa servante lui parle du pain et des tartes qu’elle a vus de ses propres yeux avant l’aube. Mais rien, silence total. Dans la soirée, elle en parle à son mari. Le couple décide de vérifier le lendemain ce qui se passait toujours sans prévenir la servante, ni la confronter. Kamel lui observait la scène sans jamais intervenir, nul ne rendait compte de sa présence. Et, lui, n’aimait pas être un acteur principal dans les événements, il préférait tout regarder, observer et connaître en silence.
Après une semaine d’observation, la maîtresse du foyer a pu savoir pourquoi ses provisions disparaissaient. Le pain et les gâteaux quotidiens avaient besoin d’un budget. Mais, elle ne savait pas encore que faisait la servante avec le pain et les gâteaux.