Dès les premières lueurs de l’aube, lorsque le monde est encore plongé dans le sommeil, une communauté se réveille avec une détermination inébranlable. Les pêcheurs, ces gardiens des eaux sacrées, se préparent pour une journée qui les plongera dans les profondeurs mystérieuses de la Méditerranée, de la mer Rouge ou du majestueux Nil. Leurs mains calleuses s’affairent à préparer les bateaux, à démêler les filets, symboles de leur art ancestral transmis de génération en génération…
Par : Hanaa Khachaba
Ces aventuriers de profession se lancent ensuite dans une danse gracieuse avec les flots, utilisant des techniques de pêche séculaires qui se sont adaptées au fil du temps. Certains optent pour des méthodes traditionnelles, tissant des liens intemporels avec la mer, tandis que d’autres embrassent les technologies modernes pour mieux défier les caprices de l’océan. La mer les accueille avec sa puissance incontestée, les défiant avec des vagues déchaînées et des courants impétueux.

Les pêcheurs, intrépides et résilients, affrontent la nature avec une bravoure indomptable, se balançant sur le fil fragile entre la vie et la mer. Leur patience, leur habileté et leur connaissance des eaux sont mises à l’épreuve alors qu’ils traquent le poisson, leur précieux trésor. Lorsque la journée tire à sa fin, ces héros marins regagnent les rivages, leurs bateaux chargés de trésors maritimes. Les marchés locaux s’animent alors de leur présence, car le peuple égyptien attend avec impatience le fruit de leur labeur. Leur pêche fraîche et abondante nourrit les rêves et les espoirs de tout un pays, offrant une symphonie de saveurs pour apaiser les palais affamés.
Derrière leurs visages burinés par le soleil, ces pêcheurs portent avec fierté l’héritage de leurs ancêtres. Ils sont les gardiens de l’aube, les protecteurs des mers égyptiennes, et leur dévouement incarne une tradition profondément ancrée dans la culture de ce pays.

Leur vie est une tapisserie d’histoires tissées avec les fils de l’océan, racontant des récits d’exploits, de sacrifices et de résilience. Plongez dans les eaux énigmatiques de l’Egypte, et vous découvrirez une communauté de pêcheurs dont la vie est façonnée par les marées et les échos des temps anciens. Leurs récits vous transporteront vers les horizons lointains, où les pêcheurs deviennent des héros, et où les vagues murmurent des légendes d’hommes et de femmes qui ont consacré leur existence à une quête intemporelle : celle de nourrir leur peuple et de maintenir vivante la tradition des « Gardiens de l’Aube ».
Ça vous dit d’habiter au bord de la mer ? Ça vous tente de dormir bercé par de petites vaguelettes, au clair de la lune ? Aux premières lueurs de l’aube, la lumière encore tamisée frôle votre visage, tâchant de découdre vos paupières lourdes de sommeil ? Peut-être sentiriez-vous jaloux du pêcheur qui, lui, habite une embarcation en bois de quelques mètres de long, emporté sereinement par les petites vagues. Ce n’est pas ce qu’il pense vraiment, ce pêcheur laborieux. Lui, dont le métier épuise et rétribue peu, ne perçoit pas les choses de cet œil rhétorique. La pêche au filet en Egypte est un métier qui se perpétue de génération en génération. Bien qu’ils soient victimes de très mauvaises conditions de travail, les pêcheurs du Delta, de Port-Saïd ou des autres villes où il y a des lacs doux ou amers, se retrouvant dans une situation précaire, continuent à pratiquer la pêche, le seul gagne-pain qu’ils connaissent. Les défis sont légion.
Vieux ou jeunes, ils prennent leur bateau pour domicile. Une sorte d’habitation mobile. Sur cette embarcation en bois, toute une vie se déroule. Au large, les pêcheurs déploient leurs filets, patientent de longues heures avant de ramener leur tribut au marché. Principale vertu est la patience. Si celle-ci fait défaut, un pêcheur ne réussira pas son métier. Car, « la mer est perfide et pas souvent généreuse», pensent-ils.

Un jour, on a plein de poissons, un jour après, on a à peine le déjeuner ! Au coucher du soleil, la communauté des pêcheurs revient à la côte pour accoster leurs petits bateaux de pêche l’un à côté de l’autre, longeant le quai ou la plage. Sur leurs embarcations de deux ou trois mètres de long, les familles s’endorment. Pour se protéger du froid ou du soleil, à l’absence d’une toiture, les pêcheurs se servent d’une large bâche en plastique. Le matériel utilisé est simple : un grand filet généralement fabriqué et entretenu par le pêcheur lui-même, une grosse marmite remplie de glaçons pour y conserver sa marchandise, une casserole pour y frire le poisson du déjeuner familial.
L’épouse du pêcheur est une vraie héroïne. Elle aide son mari à déployer l’énorme filet. Par alternance avec lui, elle rame, tient fermement le filet, tour à tour. Une tâche pénible qui demande beaucoup d’efforts et de muscles. Ce n’est pas que la vie de mer leur déplaît. Elle n’est cependant pas synonyme de confort. La devise qu’ils tiennent à cœur c’est « Après l’effort le confort » !
Les pêcheurs égyptiens utilisent pour la plupart des outils très primitifs, rendant leur travail extrêmement exténuant. Qui plus est, les conditions climatiques, les maladies répandues dans ces milieux insalubres, et la pollution, précarisent encore plus leur situation.
Saïda, épouse et mère de deux enfants, ne souhaite pas abandonner la pêche. Son seul désir est d’obtenir un permis de pêche comme son mari pour pouvoir partir toute seule en mer. « Si mon mari tombe malade, je ne peux pas le remplacer, car je n’ai pas de permis. La police des surfaces maritimes me casserait alors la tête. On passe parfois des jours sans rien à manger !! », déplore la jeune femme de 24 ans, affaiblie par l’énorme effort du métier.

La communauté des pêcheurs sont des plus pauvres en Egypte. Surtout les pêcheurs travaillant pour leur compte. Ceux-ci vivent au jour le jour, redoutant autant moins l’avenir que leur situation actuelle. Ils rêvent d’agrandir leur travail, et de devenir un jour un capitaine de bord, sur un grand navire de pêche. Les dangers et les risques qu’ils rencontrent quotidiennement ont enrichi le cinéma égyptien ! De nombreux films relatent leur existence. Leur vie dure, quoique enviée par certains ignorant la nature de leur travail, fait une bonne matière des films cinématographiques.
Partout dans le monde, un pêcheur enfile une tenue spéciale. A Alexandrie comme à Port-Saïd, passant par le Delta, les pêcheurs sont facilement repérés grâce à leur pantalon noir à pattes d’éléphant serré aux chevilles (sherwal), à la large ceinture noire ajustée à la taille, et au gilet noir ouvert surmontant une ample chemise blanche. La tête est normalement coiffée d’un chapeau blanc et souple à courts rebords. Cet habillement spécial a certainement évolué et connu plusieurs modifications. Les pêcheurs de nos jours n’y restent pas toujours fidèles.
Lorsqu’on est pêcheur, comment va-t-on tuer le temps, et s’entraîner à rester patient pendant de longues heures, sans se divertir un peu ? L’amusement principal est donc le chant. Al bamboutiya, est la célèbre chanson et danse populaires pratiquées par les pêcheurs égyptiens, les habitants de Port-Saïd en particulier. Elle fait partie de leur patrimoine culturel et folklorique. La chanson est jouée à l’aide d’un instrument de musique, al-simsimiya, muni de cinq cordes, ressemblant à la cithare pharaonique.
Encadré
Savez-vous que ?
Le meilleur ami du pêcheur sont les goélands, qui lui tiennent souvent compagnie en pleine mer ou au large des lacs. Le pêcheur et le fabricant des filets font aussi de bons amis. Sans l’un, l’autre n’aurait pas existé et vice versa. Un pêcheur fabrique généralement son filet. Un entretien régulier est nécessaire pour prolonger sa vie. Mais, il se sert parfois d’un spécialiste, le fabricant des filets, qui, lui, a plus de temps à donner au tressage des fils de coton. D’abord, les filets étaient tressés par des fils de cotons avant d’introduire les fils nylon dans leur fabrication. Ce métier se fait malheureusement de plus en plus rare, se lamente Am Sobhi, vieux fabricant de filets. « Un filet de taille moyenne me coûte 25 LE. En le vendant j’y ajoute encore 30 LE », dit-il, en s’adonnant scrupuleusement au tressage du filet. « Je tresse les fils, et j’y introduis au fur et à mesure des bouchons flotteurs et des masses de plomb », explique-t-il, en lâchant un sourire futé pour nous faire comprendre que « ce n’est pas facile et irracontable en quelques minutes » !