Jusqu’où la hausse des prix va-t-elle se poursuivre ? Depuis plusieurs mois, la tendance est observée par tous les ménages français : les factures grimpent. En avril, l’inflation a continué à accélérer, s’élevant désormais à 4,8% sur un an, selon une prévision de l’Insee, du jamais vu depuis novembre 1985. Chez nos voisins, cet indicateur est même encore plus élevé. Ce mercredi, l’OCDE a révélé que l’inflation de ses pays membres (essentiellement Europe occidentale et Amérique du nord) s’y élevait à 8,8% en mars 2022, essentiellement portée par les prix de l’énergie.
Outre l’électricité ou le gaz, le ticket de caisse des supermarchés suit à son tour la même tendance. Et ce serait parti pour durer. D’après Dominique Schelcher, président de Système U, l’inflation en France “pourrait atteindre 7%, 8%, voire 10%”, prévient-il dans les colonnes du Parisien. Cette prévision est-elle réaliste ? Qui va devoir la supporter ? Quand peut-on espérer un retour à la normale ? L’économiste Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), nous éclaire. Aujourd’hui, nous ne sommes pas partis pour cela, mais pourquoi pas. Plusieurs de nos partenaires, comme l’Espagne ou les Pays-Bas, connaissent déjà une inflation à plus de 10%.
En France, elle est un peu plus maîtrisée en raison de notre mix énergétique et du bouclier tarifaire des prix de l’électricité. Mais il est possible que l’augmentation se poursuive, puisqu’un embargo sur le pétrole russe, puis éventuellement sur le gaz, aurait des conséquences non négligeables et continuerait à alimenter cette inflation. Il faudrait alors s’attendre à des prix des matières premières énergétiques ou alimentaires en hausse.
De ce point de vue, les 10% sont possibles. Il existe trois solutions : le consommateur, les entreprises, ou l’État. Si on fait le choix du consommateur, cela représente une grosse perte de pouvoir d’achat pour les ménages. Si on dit qu’il faut que les salaires progressent de la même manière que les prix, il faut s’assurer que les entreprises puissent supporter de telles hausses sans les répercuter sur leurs prix, sinon l’inflation deviendra plus durable et généralisée.
Nous rentrerions alors dans une spirale inflationniste dont nous ne pourrions sortir que par la stagflation : les Banques centrales augmentent les taux d’intérêt pour casser la croissance, refroidir l’économie et limiter la hausse de l’inflation. Les gouvernements sont conscients que ces deux scénarios ne sont pas très réjouissants. Pour les éviter, la troisième solution est que le maintien du pouvoir d’achat soit réalisé par des aides publiques.
Via des “chèques inflation” ou des “chèques alimentaires”, l’État peut compenser l’augmentation des prix sans hausses de salaires trop importantes. Cela va provoquer du déficit et de la dette, mais il n’y a pas de solution optimale. Pour limiter les coûts, il faudrait poursuivre les aides publiques, mais les cibler davantage sur les ménages et les entreprises fragiles, et non un “quoi qu’il en coûte” pour tout le monde.