Qui a dit que les lieux étaient faits uniquement de pierre et de terre ? Les lieux ont surtout – comme nous tous d’ailleurs – une âme, un esprit et un cœur palpitant.
La seule différence : ils ne sont pas si visibles à l’œil, mais évident pour les êtres qui savent communiquer avec eux. Un lieu c’est un ensemble d’arômes, de parfums, d’énergies, de décors et de mémoires. Ces souvenirs qui gardent une part très chère de tous ceux qui sont passés par ces endroits, qui y ont vécu et qui les ont aimés. On dirait même que les lieux se transforment comme étant des témoins sur le passé ou sur ceux qui les ont habités.
Le Progrès Egyptien vous mène à travers sa page aujourd’hui dans un voyage court, mais époustouflant dans l’univers secret de ces témoins d’antan. Ces lieux magiques qui ont connu nos prédécesseurs cairotes.
C’est l’après-midi au Caire, les mois d’été sont presque éternels. En tout cas, rien ne peut dissuader un été cairote. Après 17 heures, la chaleur torride du matin s’abat et une fraîcheur douce vient vous chatouiller les narines et vous donner plaisir à la vie après une période d’inertie ou de travail au rythme de la climatisation. Si vous avez la chance de vous balader au centre-ville, n’hésitez pas à scruter les bâtiments qui s’offrent à vous tout au long du chemin. Une balade au Caire Khédivial dévoile un monde qui ressemble au Paris d’Haussman. C’est Le Caire avec ses anciennes bâtisses construites avec amour, méticulosité et ardeur. Qu’en reste-t-il ? De nombreuses maisons et demeures que l’Etat cherche constamment à protéger et à réaménager. Il est vrai que les nouveaux bâtiments cairotes s’inspirent de la sauce américaine ou hollywoodienne, mais ceux du passé sont construits dans le style Renaissance. Ils ont des caractéristiques très particulières : des ascenseurs en fer forgé et en velours, des escaliers en granit pour les domestiques, des mini-greniers dans les cuisines, des salles de réception ouvertes uniquement pour les invités et les jours de fête. Autant de choses et de détails hors pair. Imaginons que vous êtes transportés au temps des pachas et des hanems. A cette époque, les habitants du centre-ville sont tous des richissimes souvent partis en Europe qui vivent dans le luxe et l’opulence. Mais pas seulement : ce qui compte pour eux c’est surtout le culte du beau et de l’élégance. D’où, les moindres détails sont pris en considération. Rien n’est considéré comme accessoire.
L’ascenseur un wagon de train
out est minutieusement fabriqué, décoré et orné. Les ascenseurs sont l’exemple parfait. Si aujourd’hui, les ascenseurs ressemblent à une boîte métallique froide sans âme, cela n’était pas le cas dans le passé. Dans le temps, notamment dans les immeubles du Caire, l’ascenseur ne facilite pas uniquement le fait de gravir quelques étages, il ressemble à un wagon de train premièreclasse. Il était surtout construit en bois et en fer forgé, représentant ainsi une véritable perle architecturale qui contribuait à resplendir les bâtiments. Malheureusement, avec le rythme infernal de l’époque actuelle, les architectes laissent tomber ce côté esthétique des ascenseurs et le résultatest surtout plus rapide, mais moins beau. Pourtant, si jamais vous avez l’occasion, vous y découvrirez un univers fabuleux où le fer forgé, le bois et le velours vous donnent un sentiment de convivialité hors pair. On se croirait dans un salon de princesse au XVIIème siècle ou dans les appartements de la reine Marie-Antoinette. Au centre-ville, comme au quartier de Zamalek, ces ascenseurs existent toujours et vous pouvez les prendre pour gravir quelques étages. Ne vous inquiétez pas, vous aurez le temps de contempler et de savourer les moindres détails, car il est lent. Son rythme est copié sur celui de son époque : la belle époque du Caire.
Maisons cairotes .
Dans le passé aussi, les domestiques étaient omniprésents dans toutes les maisons cairotes particulièrement celles des richissimes et de la classe moyenne. Evidemment, la majorité d’entre eux étaient responsables du nettoyage et des achats au marché, voire même à aller au souk pour faire les approvisionnements. De retour, ils ne pouvaient pas emprunter les ascenseurs luxueux, ni les escaliers de marbre qui étaient des joyaux architecturaux. Ainsi, l’unique option possible pour maintenir l’immeuble propre et en bon état était de créer des escaliers latéraux, obscurs et loin des yeux : ils étaient baptisés les escaliers des servants. Souvent, les propriétaires en fuite d’invités ou un mari rentrant le soir tard chez lui les empruntaient pour se retrouver directement dans la cuisine ou dans le petit balcon de la cuisine. Quand la Révolution de 1952 a éclaté, beaucoup de personnes ont perçu ses escaliers comme une forme de discrimination sociale. Alors, ils ont été supprimés dans les immeubles modernes voire post-révolution. Mais, ils demeurent une marque importante du passé, une nostalgie d’un temps déjà révolu que l’on peut toujours visionner dans les films en noir et blanc. Jadis, rien n’a échappé aux constructeurs. Les maisons ou les appartements pour être plus précis avaient deux portes d’entrée. Une porte qui donnait sur l’ensemble de la maison et une autre qui donnait sur une énorme et vaste pièce. .
.Cette pièce portait le nom de la « salle des voyageurs » ou des « invités ». C’était tout simplement le salon. Il avait une porte à part pour deux objectifs. D’abord, il restait intact et impénétrable aux restes des habitants de la maison.
L’intimité et l’espace privé
Donc, il restait propre. En même temps, ils permettaient aux invités d’accéder à la maison de manière assez discrète sans pour autant perturber les habitants ou les gêner. Ce salon à la porte séparée conduisait en général à un couloir où se trouvaient de petites toilettes pour recevoir les invités. En somme, l’intimité et l’espace privé des habitants du logis, notamment les femmes, demeuraient protégés. Qui de nous ne serait pas ravi de voir que sa famille reçoit des invités sans que ceux-ci ne puissent perturber l’ensemble de la maison ? Malheureusement, aujourd’hui, les maisons se veulent petites, économes et fonctionnelles. Cela est positif, mais a également ses inconvénients. Faites le ménage de fin d’année à tout moment. En Egypte, les appartements et les immeubles ne comprennent pas de grenier. Ce n’est pas une partie des logements. Toutefois, dans le passé, les cuisines avaient un plafond de deux mètres de longueur. D’où, il était très fréquent de trouver un plafond-bas en bois qui s’appelait « sandara ». C’est une sorte de mini-grenier où étaient entassés les anciens objets ou meubles dans un coin de la cuisine sur une énorme étagère en bois qui ressemble à un plafond. Tout comme le grenier, on pouvait y trouver des objets sans valeur comme de véritables malles à trésors. Mais, avec le temps, elles ont disparu. Il faut dire que « El-sandara » a résisté par rapport aux autres parties des maisons d’antan. D’ailleurs, elle se trouvait bien dans les maisons des riches comme celles des pauvres. Aujourd’hui, les cuisines sont minuscules et tendent à devenir plutôt des cuisines à l’américaine c’est-à-dire ouverte à l’ensemble de la maison. Bref, la cuisine s’est transformée et a perdu cet aspect caché du passé. En effet, ce lieu était rarement associé à l’ensemble du décor de la maison, c’était comme un lieu sacro-saint qui appartient uniquement aux domestiques et à la mère de famille. Aujourd’hui, il fait partie intégrante de l’ensemble de la maison et peut être ouvert à tous. La nostalgie de ces bâtiments émeut aussi bien le cœur que l’esprit. Toutefois, elle rappelle que les Egyptiens ont toujours laissé une trace architecturale singulière qui raconte leur histoire sociale.