Souvent considérée comme le berceau du cinéma et des séries télévisées au Proche-Orient, l’Egypte possède une riche histoire dans le domaine audiovisuel qui remonte au début du XXe siècle. Cependant, malgré son héritage impressionnant, l’industrie égyptienne du cinéma et de la télévision fait face à des défis contemporains qui nécessitent des efforts concertés pour redorer son blason.
Par : Hanaa Khachaba
Il n’a fallu qu’une observation du chef de l’Etat pour qu’un effet domino se produise du côté des réalisateurs…En premier, c’était le grand metteur en scène Mohamed Sami qui déclare mettre sa carrière entre parenthèses pour le moment, suivi du très controversé Khaled Youssouf qui, dit-on, a plié bagages…. Qu’est-il arrivé à la production télévisuelle égyptienne ?

Le président Abdel Fattah Al-Sissi a appelé à une « remise en question » concernant le contenu présenté dans les médias et les séries dramatiques égyptiennes, lors de son discours lors des célébrations de la femme égyptienne et de la mère idéale. Al-Sissi a exprimé son inquiétude quant au « goût général des Egyptiens ». Le raïs a mis en garde contre le fait que la dramaturgie égyptienne qui était une industrie, est devenue un commerce. Selon lui, l’Etat égyptien contribue à ce secteur par le biais de productions basées sur la vision de spécialistes des médias, de la psychologie et de la sociologie.

Le président a insisté sur le fait que l’appel à la révision ou à l’arrêt concernant « le contenu dramatique et médiatique » ne signifie pas l’interdiction, mais plutôt « la reformulation et l’organisation », et le fait de « donner un signal ou une alerte aux parties concernées qu’il y a un déséquilibre ».
Les propos du chef de l’Etat ont eu comme première réaction la foudroyeuse retraite du réalisateur Mohamed Sami qui a annoncé mettre en parenthèses sa réalisation télévisuelle, après une carrière de 15 ans. Dans un post publié sur sa page Facebook officielle, Sami a expliqué sa décision disant n’avoir plus rien à offrir à la télévision. « Je crains que le public ne se lasse de mon style », lâche-t-il avant de souligner ne pas souhaiter se faire prendre dans le piège de la répétition et de la monotonie.
Le post de Mohamed Sami semble anticiper les réactions à sa décision de quitter la réalisation télévisuelle. En mentionnant qu’il avait pris cette décision depuis un certain temps, il semble répondre par avance aux spéculations sur son retrait, qui coïncide avec la formation d’un comité pour évaluer le contenu dramatique et un colloque sur l’avenir de la dramaturgie égyptienne, en réponse aux directives du président Al-Sissi. Mohamed Sami a souvent été critiqué pour avoir présenté un contenu « encourageant la violence » et pour l’utilisation de langage grossier dans ses œuvres.
Quant au réalisateur Khaled Youssouf, il a démenti les rumeurs concernant son retrait du cinéma, dans un post publié sur sa page Facebook officielle. « La nouvelle de mon retrait du cinéma est fausse et sans fondement. Ceux qui la propagent cherchent simplement à créer une tendance et du trafic », a-t-il expliqué. D’ailleurs, le réalisateur égyptien a annoncé préparer un nouveau film et avoir signé des contrats pour quatre films au cours des deux prochaines années.

Ces derniers temps, les séries télévisées égyptiennes sont souvent critiquées pour leur représentation de la violence jugée excessive et déconnectée de la réalité quotidienne des Egyptiens. Cette violence est perçue comme une distorsion de l’image des citoyens et de la société égyptienne, contribuant à une perception négative et stéréotypée.
Côté gouvernement, des déclarations ont fusé. « Il y a de nombreux commentaires selon lesquels les œuvres dramatiques diffusées pendant le mois béni de Ramadan ne reflètent pas l’essence véritable de la société égyptienne ni la réalité égyptienne », a noté le Premier ministre Dr Moustafa Madbouli avant d’annoncer la formation d’un groupe de travail chargé d’élaborer une vision future pour les médias et la production télévisuelle, les œuvres dramatiques en particulier. Ce groupe de travail comprendra des experts, des spécialistes, des professeurs de médias et des sociétés de médias, y compris la Compagnie unie des services médiatiques, afin de parvenir à une vision globale qui renforcera l’identité égyptienne et garantira qu’il n’y aura pas de restrictions à la liberté de pensée et de créativité.

Cette initiative répond à la préoccupation vis-à-vis des œuvres dramatiques et médiatiques qui, selon lui, doivent refléter la réalité égyptienne et promouvoir des valeurs positives au sein de la société, surtout après les réactions qui ont révélé un écart entre certaines œuvres présentées pendant le mois de Ramadan et l’essence authentique de la société.
Selon Madbouli, cette orientation ne vise en aucun cas à restreindre la liberté de créativité et de pensée, mais cherche à présenter des séries TV qui reflètent fidèlement la société et traite des questions touchant de près les Egyptiens, toutes classes sociales confondues, de manière professionnelle, en respectant les principes moraux et culturels.
En conclusion, l’Egypte possède véritablement un riche héritage artistique et médiatique, digne de développement pour suivre les évolutions modernes. L’objectif principal de l’Etat égyptien est de produire des œuvres dramatiques de la plus haute qualité, qui resteront gravées dans la mémoire des générations et refléteront l’image authentique de la société.