Dans les ruelles envoûtantes de l’Egypte et dans ses maisons affectueuses, résonnent les murmures sacrés des récitateurs du Saint Coran, symphonie ensorcelante qui transcende les siècles. Leurs voix mélodieuses portent l’héritage millénaire de l’Egypte, berceau de la récitation par excellence, enchanteresse harmonie entre spiritualité et tradition.
Par : Hanaa Khachaba
Qu’y a-t-il de plus beau pour être mis en musique que les paroles de Dieu ? Dans le domaine du chant, les compositeurs se rivalisent à mettre leur muse au service des grands chanteurs pour tordre leurs belles paroles aux plus superbes aires musicaux et le marché s’emballe normalement. Le « royaume » du Saint Coran bénéficie de la même ferveur ; ferveur qui a pour vocation la préservation des paroles divines dans une moule attrayante autant pour l’ouïe que pour la méditation du contenu. Les cheikhs doués de voix suave font concurrence les uns aux autres pour enregistrer les versets coraniques avec une telle beauté à vous mettre pleins les sens.
La récitation du Saint Coran, c’est toute une science. Elle a des règles tout comme les autres disciplines du savoir. Le « tajwid », une des branches principales de la lecture du Coran, consiste à la prononciation à la fois bonne et correcte des paroles d’Allah. Une belle voix n’est pourtant pas le seul baromètre pour désigner un bon lecteur du Livre noble des Musulmans.
Pour monter d’un cran, un récitateur habile doit, en plus de sa voix exquise, posséder plusieurs atouts y compris sa connaissance approfondie des règles de tajwid et son charisme auprès de l’audience. Chaque récitateur appartient à une certaine école coranique dont il est redevable de respecter les règles.
Parmi les meilleurs récitateurs du Coran on doit certes évoquer ce cheikh ingénieux, le très talentueux Mohamed Refaat, surnommé la « cithare du ciel ». Tout comme il est de mise d’évoquer la voix miracle, cette puissance d’expression et de récitation inégalées, du grand récitateur cheikh Abdul Basset Abdul Samad. Il compte parmi les grands artistes de l’histoire de la psalmodie du Saint Coran. De même, il ne faut surtout pas oublier ce grand cheikh surnommé « celui à la voix d’or », à savoir Mohamed Tablawiqui a enchanté le grand public par ses merveilleuses récitations présentées devant des rois et des princes.
Mohamed Refaat

La Radio égyptienne n’a pas trouvé une voix plus belle que celle de Mohamed Refaat pour amorcer sa première transmission en 1934. Cette voix angélique flatte encore nos oreilles juste avant l’Iftar de Ramadan de l’an 2010, bien que Refaats’arrêta de psalmodier le Coran dans les années 40. Au crépuscule, la Radio diffusa traditionnellement des versets coraniques récités par cette voix captivante qui ne cesse d’émerveiller l’audience.
Sur son banc en bois, situé à un des coins de la mosquée Fadel Pacha à Darb Al Gamamiz, le cheikh Mohamed Refaat psalmodiait le Saint Coran. C’est une des plus belles voix qu’ait connues l’Egypte. Particulièrement timbrée, la voix de Refaat s’infiltre magiquement dans les cœurs des Egyptiens avant même d’atteindre leur ouïe.
La petite-fille Hanaa est la première à se rendre compte de la valeur considérable de la voix angélique de Mohamed Refaat. Encore jeune, se souvient-elle, j’apercevais mon père Hussein faire de son mieux pour garder le patrimoine de mon grand-père Mohamed Refaat. Au début, mon père travaillait à la Télévision puis directeur des entrepôts du ministère de l’Industrie. Malgré son emploi du temps surchargé, il tenait à éclaircir les enregistrements de Mohamed Refaat dans une tentative de les réhabiliter et de les faire sortir au jour de nouveau avec la plus haute qualité sonore possible. J’ai hérité cette passion de mon papa », dit Hanaa sur un ton fier.
Le défunt Mohamed Refaat avait repoussé plusieurs offres lui proposant de réciter le Coran ailleurs comme à Londres, à Berlin ou à New Delhi. S’attachant à psalmodier les paroles d’Allah uniquement dans sa patrie, il a rejeté l’invitation alléchante du Maharaja de l’Inde qui l’avait sollicité de réciter le Coran en Inde contre 100 livres égyptiennes en un seul jour. Une somme colossale qui équivalait le salaire mensuel de Mohamed Refaat dans la Radio. Même son ami le fameux compositeur Mohamed Abdel Wahab lui a recommandé de saisir cette excellente occasion et partir en Inde en sa compagnie. Or, « la cithare du ciel » n’a pas changé d’avis.
Abdul Basset Abdul Samad

En bas âge, l’enfant Abdul Bassat a affiché une supériorité à tous ses copains dans l’apprentissage du Coran. A seulement 10 ans, le petit connaissait par cœur le Coran en entier avec aussi les règles de Tajwid. Voulant entrer à l’Institut religieux primaire d’Al Azhar, Abdul Basset fut déçu par son rejet vu qu’il était au bord de ses 13 ans.
Le jeune enfant eut alors l’idée de faire une tournée dans les petits villages aux alentours pour y réciter le Coran et attirer les gens par sa belle voix. Il a fait de sa lecture du Coran une pratique habituelle qui lui vaut avec le temps une perfection incontestable.
De retour à son village natal, Abdul Basset a réessayé de joindre l’Institut religieux, à Qéna en Haute-Egypte, mais le règlement intérieur était tellement rigoureux que pour la deuxième fois les responsables ont refusé son admission. Or, le jeune cheikh n’a pas trahi son habitude de rendre visite à ses copains du vieux temps et il a saisi l’occasion de les rencontrer au sein même de l’Institut pendant la pause entre leurs cours. Tant il était fort attaché à se rendre à l’Institut sous prétexte de voir ses amis, ses proches qui habitent à Quéna ont fini par croire qu’il était effectivement étudiant à l’Institut religieux.
Malgré son jeune âge, Abdul Basset Abdul Samadcommença à se faire un nom auprès des cercles de la lecture du Saint Coran. Très souvent on privilégiait sa voix enfantine et aiguë par rapport à d’autres cheikhs carrés en la matière. Aux yeux des habitants des villages où notre petit cheikh avait l’habitude d’aller pour psalmodier le Coran, il était le meilleur à réciter les paroles d’Allah vu sa voix exceptionnelle et sa maîtrise de cette science alors qu’il était encore adolescent.
A toute occasion, on l’invitait à lire car apparemment on ressentait chez lui une sorte de bénédiction divine. Bien qu’il n’ait jamais été étudiant à l’Institut azharien, il s’était fort bien attaché aux études religieuses et à la psalmodie du Livre des musulmans à l’encontre de ses jeunes amis qui n’étaient pas eux non plus admis à l’Institut et qui ont tout de suite opté pour un métier plus rémunérateur soit dans les champs d’un des notables de la Haute-Egypte soit dans l’usine du sucre du village Arment.
« Il avait une voix d’un petit enfant quoiqu’il ait été au seuil de ses 12 ans, une voix vraiment aiguë mais belle », confirme un des amis du cheikh Abdul Basset Abdul Samad. Il se caractérisait par sa longue haleine et réussissait à infléchir sa voix au gré du sens des versets récités.
Mahmoud Tablawi

Mohamed Tablawi ou Mohamed MahmoudTablawi est un récitateur et imam égyptien. Il est né le 14 novembre 1934 au village ‘Met Oqba’ (Egypte). Agé de 4ans, Mohamed Tablawi a commencé à apprendre le saint coran et l’a achevé à l’âge de 10 ans. Il a obtenu le diplôme des lectures d’Al Azhar en 1956.
A l’âge de 15 ans, Mohamed Tablawi a pu terminer l’apprentissage du coran (1947). Ainsi, il a pu acquérir une certaine popularité dans la récitation coranique en se présentant dans des soirées islamiques organisées par les savants et les grands cheikhs de l’Egypte. Il a aussi pu acquérir une grande renommée dans plusieurs pays arabes comme l’Arabie Saoudite…
Par ailleurs, Mohamed Tablawi organisait des séances pour la récitation du coran à la mosquée en plus des débats traitant des questions et des thèmes de la religion islamique.Surnommé « celui à la voix d’or », Mohamed Tablawi a récité pour des rois et des princes comme : pour le décès de la mère du roi de la Jordanie Al-Hussaine, la mort du roi Hassan II et le décès de Bassel, le fils de l’ex-président syrien Hafez Al Assad. Il a enregistré plusieurs cassettes et vidéos regroupant sa psalmodie, disponibles dans les librairies de l’ensemble du monde musulman. Des sites sur internet diffusent sa merveilleuse récitation.