Par Samir Abdel-Ghany


Au Palais des Arts, sur la place de l’Opéra du Caire, là où le passé dialogue sans cesse avec le présent, s’est ouverte la dixième édition du Forum international du Caire de l’art de la calligraphie arabe. Placée sous le slogan évocateur « Par les lettres : la paix », cette édition rappelle avec force que la lettre arabe n’est pas un simple outil d’écriture, mais un réceptacle d’identité, un miroir de l’âme et une mémoire vivante.
Au cœur de cette célébration, le nom du grand calligraphe égyptien Ibrahim Badr s’impose naturellement. Figure majeure de la scène calligraphique contemporaine, disciple fidèle du maître Khodeir Al-Borsaïdi, il incarne cette voix qui défend l’authenticité de la lettre arabe tout en croyant profondément en son avenir.
Pour Ibrahim Badr, la préservation de l’identité calligraphique est l’enjeu fondamental que doivent porter de tels rendez-vous. La lettre, affirme-t-il, n’est pas une ornementation détachée du sens, mais un être vivant, capable d’évoluer sans jamais renier ses racines. C’est dans cet esprit que cette dixième édition a pris tout son sens, notamment à travers l’hommage rendu au professeur Mohamed Baghdadi, l’un des fondateurs du forum, qui l’a porté à bout de bras pendant dix années, ainsi que par la nomination de Khodeir Al-Borsaïdi comme commissaire général. Un choix hautement symbolique, soulignant la continuité historique et technique des grandes écoles de la calligraphie arabe.
Ibrahim Badr décrit son expérience au sein du forum comme un espace rare de dialogue et d’apprentissage. Les rencontres avec des maîtres calligraphes venus de nombreux pays lui ont permis d’échanger des savoirs, d’admirer des œuvres d’une grande finesse, capables de susciter à la fois plaisir et émerveillement. Cet échange humain et artistique, souligne-t-il, confère au forum sa véritable valeur, le transformant d’une simple exposition en un laboratoire vivant d’idées et de visions.
Avec une sincérité touchante, il confie que l’énergie créative ressentie au Palais des Arts demeure pour lui une source d’inspiration suffisante pour une année entière. Le forum représente, selon ses mots, le souffle vital, le refuge essentiel des calligraphes d’Égypte et du monde arabe.
Sur le plan personnel, Ibrahim Badr nourrit un rêve qu’il assume avec humilité : fonder sa propre école dédiée à l’art de la calligraphie arabe. Il est convaincu que l’héritage de son maître Khodeir Al-Borsaïdi ne peut se perpétuer qu’à travers de nouvelles générations portant la flamme. L’entraînement constant, la patience, le travail approfondi des lettres isolées et le respect rigoureux des règles des différents styles sont, selon lui, la voie authentique vers l’excellence et les sommets de l’art.
Placée sous le haut patronage du ministre de la Culture, organisée par le Fonds de développement culturel en collaboration avec l’Association égyptienne de la calligraphie arabe, cette édition a réuni 213 artistes issus de 21 pays arabes et étrangers, ainsi qu’un concours officiel ayant rassemblé plus de 150 participants. Les étudiants de l’École Khodeir Al-Borsaïdi de calligraphie arabe y ont également pris part, dans une scène éloquente de transmission et de continuité artistique.
Ibrahim Badr exprime enfin une joie particulière à la vue des œuvres du grand artiste plasticien Mohamed Abla, qui ont su insuffler l’esprit des arts plastiques dans l’univers de la calligraphie, ainsi que son admiration profonde pour les tableaux de Khodeir Al-Borsaïdi, qu’il considère comme des jalons majeurs de l’histoire contemporaine de la lettre arabe.
Ainsi, le dixième Forum de la calligraphie arabe n’a pas été un simple événement artistique de passage, mais de véritables lignes d’or tracées sur les murs du Palais des Arts. Des lignes qui affirment, avec douceur et force, que la lettre arabe demeure capable de porter un message de paix, de bâtir un pont entre passé et avenir, et de rappeler que l’identité s’écrit, se transmet et se protège.





