Le smartphone occupe une place démesurée dans nos vies. Comment les parents peuvent-ils demander à leurs enfants de passer moins de temps sur leurs écrans quand ils sont eux-mêmes accros ? S’interroge la presse étrangère.
“Les parents reprochent à leurs enfants de passer trop de temps sur leur téléphone, mais que se passe-t-il quand c’est l’inverse ?”S’interroge un article du quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.
La journaliste, mère de deux enfants, engage une réflexion sur son addiction : “Ça a commencé doucement. Après tout, le smartphone est un outil indispensable à tout parent pour gérer le quotidien.” publie le Courrier international
“54 % de la population mondiale possède un smartphone” et “57 % utilise Internet sur son téléphone”, selon un rapport publié à la fin de 2023 par GSM Association, une organisation internationale regroupant plus de 1 000 entreprises du secteur de la téléphonie mobile. Selon ce même rapport, cité notamment par The Daily Star au Bangladesh, “38 % de la population mondiale est couverte par un réseau de téléphonie mobile à haut débit mais ne l’utilise pas”, soit 3 milliards de personnes. Et “5 % de la population mondiale n’a pas encore accès au haut débit mobile”, soit 400 millions de personnes.
“Et puis Instagram est arrivé”, poursuitAnke Schipp, qui admet y avoir perdu beaucoup, beaucoup de temps, “exactement ce que je reprochais à mes enfants”. “Si l’un d’entre eux me lançait de la chambre d’à côté : ‘Tu peux venir ?’, je répondais : ‘J’arrive !’ ou ‘Pas maintenant !’ J’avais déjà entendu ça quelque part.”
Dans un texte publié par The Telegraph, une chroniqueuse britannique poursuit : “Les enfants sont des éponges et ne font que suivre notre exemple. Peut-on leur reprocher d’être collés à leur appareil quand la plupart des adultes sont aussi attachés au leur ? […] Qu’est-ce que ça doit être pour un enfant de voir en permanence ses parents regarder fixement l’écran niché dans la paume de leur main ?”
Encadrer l’usage des téléphones mobiles par les adolescents “est raisonnable, poursuit l’autrice, Bryony Gordon, mais totalement inutile si nous, les parents, ne nous attaquons pas à notre usage des smartphones et des réseaux sociaux à la maison. Nous devons à nos enfants d’enfermer nos iPhone dans un tiroir le week-end ou pendant les repas.”
En décembre 2023, The Indian Express citait une étude réalisée dans huit grandes villes d’Inde. Les chiffres sont accablants pour les parents interrogés, avec une moyenne de 7,7 heures par jour de temps d’écran, soit 1,2 heure de plus que leurs enfants. “Enfants et parents passent approximativement deux heures ensemble, mais 75 % reconnaissent utiliser leur téléphone pendant ce temps.” Une relation perdant-perdant et des rapports familiaux dégradés :
“91 % des enfants déclarent se sentir seuls parce que leurs parents font un usage excessif de leur smartphone [et] 93 % des parents et enfants se sentent coupables.”
“Ce ne sont pas les enfants qui ont un problème, ce sont les parents”, gronde une chroniqueuse du New York Times. Non seulement les adultes sont dépendants de leur mobile, mais ils s’accommodent volontiers des usages excessifs de leurs enfants : “Le téléphone permet aux enfants de se distraire eux-mêmes au lieu de nous déranger quand nous sommes sur notre propre téléphone. […] Nous voulons apprendre aux enfants à être responsables et indépendants, mais ce ne sont pas les smartphones qui leur enseigneront ces valeurs.”
Dur de convaincre son enfant de décrocher de la tablette quand on est soi-même rivé à son smartphone. A l’ère de la « technoférence », où chaque nouvelle notification capte toute notre attention, les plus accros ne sont pas toujours ceux qu’on croit.
Le témoignage a tout du classique de la vie quotidienne contemporaine. « Quand il sort son téléphone à table, on lui fait les gros yeux. Parfois, il ronchonne un peu et le pose, d’autres fois, il se vexe et se justifie. » Sauf que celle qui parle n’est pas une mère accablée par l’impolitesse de son ado, mais une jeune adulte. Eva, 19 ans, est désemparée par les pratiques numériques de son père, 52 ans.