Par : Marwa Mourad
Le pape François s’est éteint le 21 avril dernier à l’âge de 88 ans. Outre ses combats pour les plus vulnérables, le Saint Père avait trouvé refuge dans les mots, ceux que la littérature a à offrir. Retour sur les livres préférés de ce féru des lettres.
Une page se tourne. Le pape François est décédé après 12 ans passés à la tête de l’Eglise catholique. Si l’image laissée derrière lui aura été marquée par son engagement solide envers les plus pauvres, Jorge Mario Bergoglio de son vrai nom était riche de coeur, et de savoirs, avec un attrait tout particulier pour les lettres, domaine qu’il aura enseigné à l’âge de 28 ans.
Si la lecture aura marqué sa vie, l’écriture aura également eu une place importante dans l’existence du pape François. Dans sa dernière autobiographie «Espère», parue en janvier 2025, le souverain pontife plongeait dans ses souvenirs et revenait sur sa vision du monde.
«Le roman, la littérature, voyez-vous, lit dans le cœur de l’Homme. […] Et il est utile pour la prédication de connaître les cœurs», avait confié le Saint Père au Père Spadaro en 2016. L’an dernier, il partageait dans sa «Lettre sur le rôle de la littérature dans la formation» les effets bénéfiques des livres, qui «dans l’ennui des vacances, dans la chaleur et la solitude de certains quartiers déserts», peuvent être «une oasis qui nous éloigne d’autres choix qui ne sont pas bons pour nous». Une citation à prendre au pied de la lettre, puisque les livres auront accompagné le Pape François tout au long de son pontificat. Voici ses favoris :
Le cid, de pierre corneille

La pièce en vers mettant en scène un dilemme cornélien, où le jeune seigneur de la cour d’Espagne Don Rodrigue doit choisir entre devoir et amour. Un classique de la littérature que le pape François aura, non pas sans peine, tenté d’enseigner à ses étudiants lycéens : «J’ai été professeur de littérature à Santa Fe dans une école de jésuites. Je devais veiller à ce que mes élèves étudient «Le Cid». Mais les jeunes n’aimaient pas ça. Ils demandaient à lire «Garcia Lorca». J’ai donc décidé qu’ils étudieraient «Le Cid» à la maison et que, pendant les cours, je traiterais d’auteurs que les jeunes préféraient».
Les frères karamazov, de fiodor dostoïevsky

Fréquemment cité par le souverain pontife dans ses discours, Fiodor Dostoïevski a fait naître sous sa plume les plus beaux chefs-d’œuvre de la littérature russe. Parmi eux, «Les frères Karamazov», un ouvrage donnant une définition de la prière, vue non pas comme un simple rituel, mais comme une plongée au cœur des autres pour y partager leur douleur et partir à la quête d’humilité.
A la recherche du temps perdu, de marcel proust

La littérature française aura également eu une place de choix dans le cœur du pape François, à commencer par le célèbre «A la recherche du temps perdu», de Marcel Proust, notamment cité dans sa «Lettre sur le rôle de la littérature dans la formation». «Pour tenter d’encourager à nouveau à la lecture, je cite volontiers quelques textes qui nous apprennent beaucoup de choses en quelques mots : Les romans libères “en nous, pendant une heure, tous les bonheurs et tous les malheurs possibles dont nous mettrions dans la vie des années à connaître quelques-uns”», avait partagé l’homme d’Eglise. Si la foi chrétienne n’est pas explicitement mentionnée dans l’œuvre de Proust, sa présence en filigrane aura suffit pour en faire un livre de chevet du pape François.
L’autre, le même, de jorge luis borges
L’écrivain Jorge Luis Borges occupait une place importante dans le cœur du pape François. Alors qu’il était enseignant à Santa Fe, l’ecclésiastique invite le nouvelliste à rencontrer ses élèves. Partageant tous deux la nationalité argentine, Borges, alors âgé de 66 ans, fait le déplacement en bus depuis Buenos Aires pour passer près de trois jours avec eux. Une rencontre qui marquera à jamais le pape, et qui ne fera que renforcer l’admiration de celui-ci pour l’écrivain, avec une préférence pour son ouvrage «L’autre, le même».
Les fiancés, d’alessandro manzoni

Le roman «Les Fiancés», d’Alessandro Manzoni, est non seulement ancré dans la littérature italienne, mais propose également une vision profondément chrétienne du monde, de la souffrance et du salut. Une symbolique comme une résonance pour le pape François, qui avait confié : «J’ai lu “Les Fiancés” trois fois, et je l’ai maintenant sur ma table parce que je veux le relire. Manzoni m’a tellement donné. Quand j’étais enfant, ma grand-mère m’a appris par cœur le début : “Cette branche du lac de Côme qui tourne vers le Sud entre deux chaînes de montagnes ininterrompues…”».
Le Maître de la terre, de Robert-Hugh Benson

Comme le pape Benoît XVI avant lui, le pape François a recommandé la lecture de ce roman dystopique qui, s’il date de 1907, est pleinement d’actualité sur ce qu’il appelle la « colonisation idéologique » et la « mondialisation de l’uniformité hégémonique ».
Résumé : « Véritable fresque de la fin des temps, ce récit contient la vision d’un monde totalitaire qui trouve l’unité dans la négation de la transcendance et dans la persécution des chrétiens. Ce passionnant roman d’anticipation décrit une situation qui rejoint les antagonismes spirituels et idéologiques de notre monde contemporain ; prophétie de la venue de l’Antéchrist, il constitue une profonde réflexion sur les dérives actuelles de la pensée unique et de la paix sans Dieu. »
Vous qui êtes ma vie, d’Ethel Mannin
Un ancien élève du père Jorge Mario Bergoglio, alors professeur de littérature, a dit de ce livre qu’il s’agissait d’une « conversion, du changement existentiel qui mène à une rencontre imminente avec Dieu, et le résultat de cette rencontre n’est rien de moins que la joie intérieure qui remplit l’esprit ».