Marqué par les conflits qui ont frappé son pays, Nadim Karam, un artiste libanais qui a fait des ruines un matériau d’expression. En transformant les débris de la guerre en œuvres d’art, il convertit la violence en un langage esthétique, où la beauté devient un acte d’endurance.
Son œuvre porte les traces de l’histoire de son pays. Là où d’autres voient des fragments brisés, il voit une possibilité de renaissance. Dans ses installations monumentales, il parvient à transformer les débris de la guerre en œuvres créatives, donnant une seconde vie à la matière détruite par les conflits.

Pour l’artiste, cette démarche n’est pas seulement esthétique : c’est une réponse intime à la violence. Son geste poétique fait de la laideur une forme de beauté, et de l’endurance un moteur de création. Chaque pièce devient une métaphore de résistance, où ce qui fut souffrance se transmue en symbole d’espoir.
Le lotus, symbole central du projet, n’a pas été choisi au hasard. Fleur sacrée en Orient.
Inspiré par les paysages désertiques et les fleurs de lotus, Nadim Karam explore le cycle de transformation : la fleur naît dans la boue, se ferme, puis s’ouvre sous le soleil. Cette image guide son travail. À travers elle, l’artiste affirme que la beauté peut surgir des environnements les plus hostiles, comme un acte de défi face à la destruction.
Quant à la collecte des matériaux, il est au cœur de sa démarche. Pendant une année entière, l’artiste a rassemblé des fragments venus de plusieurs lieux. À AlUla, en Arabie saoudite, il a récupéré les métaux issus d’un projet artistique précédent, les conservant comme un trésor de matière brute. À Beyrouth, il a collecté les débris laissés par les explosions et les destructions, les transportant jusqu’à son atelier.
Ces éléments hétérogènes, chargés d’histoire et de mémoire, deviennent pour lui un alphabet sculptural. « Transformer ce qui est destruction en création est essentiel », explique-t-il. « Le faire avec une fleur, c’est très symbolique : c’est un acte de résistance. »
La série « Fleurs du désert » se compose de trois sculptures surgissant du sable, semblables à des lotus épanouis dans le paysage désertique, à proximité des pyramides de Guizeh. Chaque fleur renferme un cœur rempli d’histoires cachées et non racontées, façonné à partir de ferraille, tandis que ses pétales portent des motifs gravés, inspirés des œuvres précédentes de l’artiste Karam, recyclées et préservées. Cette installation reflète la manière dont l’histoire, le lieu et le temps tissent des récits mêlant le visible et l’invisible.
Le lotus est un symbole puissant de naissance, de soleil et de création dans l’Égypte ancienne. Bien que très présent dans le passé, il a aujourd’hui disparu de son environnement naturel. Les trois sculptures racontent visuellement l’éclosion du lotus : la première, « Nouvelle naissance », conserve sa matière brute et rugueuse ; la deuxième, « Soleil », commence à s’épanouir ; la troisième, « Création », s’ouvre pleinement.
Cette installation, inspirée par l’histoire millénaire de l’Égypte et celle du monde, fait coexister récits officiels et voix inaudibles. Si l’on s’approche de la série comme d’une pierre gravée d’idées égyptiennes, de nombreuses histoires restent absentes, présentes dans les fragments oubliés et les matériaux abandonnés, symboles des idées et de l’histoire négligées. « Fleurs du désert » transforme ces fragments en symboles de résilience, suggérant que les voix contemporaines peuvent réveiller les strates historiques accumulées et redonner vie à la mémoire perdue du lieu.
En détournant les matériaux du chaos, Nadim Karam construit un langage qui appartient à la fois à la mémoire et à l’avenir. Avec « Les Fleurs du désert », l’artiste propose un récit visuel où la fragilité se transforme en force. Les lotus de métal, dressés devant les pyramides, rappellent que la beauté peut surgir des environnements les plus hostiles — et que l’art demeure un territoire de résistance, lorsque tout semble brisé.




