A Assouan, le projet “Refuge du bonheur” transforme une visite touristique en une expérience humaine et spirituelle unique. Pendant cinq jours, des participants du monde entier explorent la culture nubienne à travers l’art, la méditation et l’échange avec les habitants. Les fresques murales qu’ils réalisent deviennent autant de témoignages durables de gratitude, de partage et de joie.
Par Névine Ahmed
Sur les rives du Nil, dans l’île de Hessa à Assouan, il se retrouve plongé dans un décor qui ne ressemble à aucun autre : maisons colorées qui accueillent le voyageur avec un sourire, habitants simples offrant la joie sans rien attendre en retour, et une nature dont la sérénité semble capable de guérir l’âme avant le corps. C’est dans cet univers baigné de tranquillité que s’est ouverte l’aventure du “Refuge du bonheur”. L’idée est née d’une équipe désireuse de rompre avec les schémas traditionnels du tourisme pour transformer une simple visite en une expérience humaine et spirituelle complète, mêlant culture, art et nature.
Le fondateur du projet, explique : “Nous ne voulions pas d’un voyage ordinaire. Nous voulions créer une expérience porteuse de sens. Les Nubiens nous ont accueillis avec une générosité indescriptible ; les fresques étaient la moindre chose que nous pouvions offrir en retour. Ce n’était pas une excursion classique, mais un voyage de guérison du corps, de l’esprit et de l’âme”. Il ajoute : “Nous avons commencé par des exercices liés à la conscience et à l’auto-guérison, ainsi que des activités culturelles autour de la cuisine locale, des traditions et de la vie quotidienne. Chaque étape du séjour est conçue pour reconnecter les participants à la nature et aux gens d’une manière capable de restaurer leur paix intérieure”.
Le fondateur revient aussi sur la philosophie du nom, en soulignant : “L’inspiration du “Refuge du Bonheur” vient des habitants de Nubie. Malgré la simplicité de leur existence, ils savent être heureux. Nous voulons transmettre cela aux participants. Chacun laisse son empreinte à travers les fresques, et se sent acteur d’une communauté qui respecte l’art et les traditions”.
Deux artistes d’Assouan, Ali Abdel Fattah et Maha Gamil, ont initié les participants aux codes esthétiques de l’art nubien, fondé sur quatre couleurs principales, chacune chargée de sens. Ali Abdel Fattah raconte : “Nous avons animé un atelier de fresques sur les maisons nubiennes avec des invités venant d’Egypte, de Jordanie, d’Arabie saoudite et d’autres pays. Notre message était d’offrir quelque chose aux habitants, en remerciement. Nous avons commencé par leur présenter les symboles, les couleurs et les significations, puis chacun a peint selon sa sensibilité tout en préservant l’identité nubienne”. Quant à Maha Gamil, elle précise : “L’art nubien a son langage : le vert représente la végétation et l’abondance, le bleu, le Nil et le ciel, le jaune doré, le sable et le soleil et le blanc, la pureté et la paix. Les triangles symbolisent les trois religions qui ont traversé l’histoire nubienne”. “L’art a permis aux participants d’exprimer leur gratitude, d’évacuer la tristesse et de retrouver une énergie positive. Les fresques renforcent l’appartenance et le don : ce n’est pas un simple atelier de peinture, mais une expérience profondément spirituelle”, ajoute-t-elle.
Walid Chahine, cofondateur du projet, résume l’esprit du séjour : “Assouan n’est pas un lieu que l’on visite : c’est une expérience de vie. L’hospitalité des habitants se ressent dans chaque détail de la rencontre et de l’apprentissage. Cette aventure enseigne ce qu’est la véritable humanité et le lien authentique avec les autres”. Ramadan, surnommé “Bob de Nubie”, raconte comment il a rejoint l’initiative : “Je suis arrivé ici il y a huit ans et j’ai conçu ma maison dans le style nubien pour recevoir les visiteurs et transmettre notre culture. Quand j’ai appris le projet du “Refuge du bonheur”, j’ai participé avec enthousiasme. Mon objectif était que les visiteurs découvrent le vrai sens de la Nubie, à travers notre cuisine, notre art, nos traditions et la spiritualité qui habite ce lieu”.
Les fresques réalisées par les participants sont devenues des traces permanentes dans la mémoire visuelle de l’île. Elles incarnent l’échange culturel, l’affection mutuelle entre visiteurs et habitants, et portent chacune un fragment de l’âme de l’artiste comme du lieu. Elles dépasseront le cadre du séjour pour devenir un élément vivant du paysage quotidien. Des initiatives comme le “Refuge du bonheur” renforcent la montée du tourisme culturel et environnemental à Assouan et ouvrent la voie à des partenariats durables entre habitants et visiteurs. Elles démontrent le rôle profond que peut jouer l’art dans la guérison psychologique et sociale, faisant des murs des maisons nubiennes des scènes vivantes où s’écrit une nouvelle histoire de rencontre entre les cultures. Elles rappellent enfin que le bonheur se niche dans la simplicité, la générosité et la transmission entre les générations.
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Lac Qaroun : Quand la nature reprend ses droits !
Le ministère de l’Environnement a annoncé le retour des troupeaux de flamants migrateurs au lac Qaroun, un événement considéré comme un véritable tournant dans le processus de rétablissement de l’équilibre écologique du lac. La ministre du Développement local et ministre de l’Environnement par intérim, Dr Manal Awad, a déclaré que les flamants ne reviennent dans un habitat que lorsque trois conditions environnementales précises sont réunies : la pureté de l’eau, la disponibilité de la nourriture et la stabilité du système biologique. Selon elle, le lac a désormais retrouvé ces paramètres. Le plan de restauration écologique a inclus des interventions parallèles d’ingénierie et d’aménagement environnemental, parmi lesquelles le dragage du canal Bahr Youssef pour améliorer la circulation de l’eau et prévenir sa stagnation, la mise en service de huit stations d’épuration des eaux usées, et l’augmentation du taux de couverture du réseau d’assainissement à plus de 85%, contre 12% auparavant, ce qui a réduit de manière significative les sources de pollution directe. (photos de la page Facebook La Conscience Archéologique)





