La situation actuelle le démontre : sortir du nucléaire ou pas est un choix éminemment politique. Mais l’enjeu est tel qu’il doit être pesé avec gravité, et non faire l’objet d’affrontements dogmatiques, selon l’Echo, le 1er novembre 2021.
Le résultat du premier tour des enchères destinées à garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays est tombé. Engie va pouvoir construire deux nouvelles centrales au gaz, à Vilvorde et aux Awirs. Les Verts y voient la démonstration que la Belgique peut fermer définitivement son parc nucléaire à l’horizon 2025. Le président du MR, au contraire, estime que ces premiers résultats montrent que cette sortie du nucléaire est trop hasardeuse. « Ce n’est pas une question politique », affirme-t-il. Le Premier ministre Alexander De Croo ne disait pas autre chose mi-octobre à La Libre, mais dans un discours qui défendait lui la sortie du nucléaire. « Pour moi, c’est une décision très rationnelle.»
La situation actuelle démontre, au contraire, que sortir du nucléaire ou pas est un choix éminemment politique. Bien entendu, on aurait pu se trouver dans une situation où la Belgique n’aurait tout simplement pas eu le choix, faute de candidats à la construction de nouvelles capacités de production électriques. Ce n’est pas le cas.
Le gouvernement De Croo doit maintenant arbitrer définitivement entre son plan A – une sortie complète du nucléaire en 2025 – et son plan B – prolonger deux réacteurs. Et aucun logiciel ne permet de compiler les données pour déterminer la décision « rationnelle » qui s’imposerait. Car il s’agit de choisir entre deux scénarios qui présentent chacun des risques et des inconvénients lourds de conséquences.
L’heure n’est pas aux dogmatismes, aux raccourcis abusifs et aux certitudes faciles.
Sortir du nucléaire, c’est parier que les nouvelles centrales au gaz obtiendront leurs permis, qu’elles seront construites à temps, que l’approvisionnement en gaz suivra, à un prix relativement raisonnable. C’est escompter aussi que suffisamment d’autres capacités seront au rendez-vous des enchères de 2024 et que les importations d’électricité en provenance des pays voisins ne feront pas défaut – faute de quoi la Belgique risque de devoir vivre avec les délestages électriques.
Prolonger deux réacteurs, c’est courir plus longtemps le risque, peu probable mais dévastateur, d’un accident nucléaire majeur, c’est produire davantage de déchets radioactifs dangereux, parfois pour des centaines de milliers d’années. Et c’est accepter de freiner la transition énergétique, en laissant sur le marché une énergie à la flexibilité limitée.
L’heure n’est donc pas aux dogmatismes, aux raccourcis abusifs et aux certitudes faciles. L’enjeu est tel que ce choix doit être gravement pesé. Et il doit l’être sans nouveaux atermoiements. C’est ce que nous attendons de nos responsables politiques.