En Egypte, Cham El-Nessim est la fête de l’union nationale : celle qui lie toutes les composantes de la patrie et qui nous rappelle jusqu’à la moelle nos racines et ancêtres pharaoniques. Cham El-Nessim est lié pour la majorité des Egyptiens aux sorties dans les parcs, les jardins, ou encore sur les bords du Nil. Là, tous comme nos aïeuls le faisaient, nous pouvons respirer cette brise printanière et parfois même estivale qui donne la joie de vivre. Qui dit printemps, dit aussi les chansons de Soad Hosni « El-Donia Rabie ». Depuis notre enfance et adolescence, nous avions l’habitude de suivre à la télé le film de cette madone de beauté orientale « Amira, mon amour ».
Cham El-Nessim pour les Egyptiens, c’est avant tout le poisson salé. Du poisson salé à table dans la quasi-majorité des maisons. Il y a la spécialité très égyptienne qui remonte à l’époque des Pharaons « Le fesikh », les harengs, les sardines, accompagnés d’oignons, de laitues, et de salades. Seule pierre d’achoppement : jeûne ramadanesque et poisson salé s’avèrent incompatibles. Et la question qui a rebondi à maintes reprises sur la toile et même dans tous les foyers égyptiens : « Y aurait-il du poisson salé ce printemps ? » Pour les Chrétiens, ce sera évidemment possible et le poisson salé est à l’ordre du jour. Mais, pour les musulmans, qui font le jeûne et qui ne peuvent pas consommer d’énormes quantités de sel pour éviter une déshydratation, ce sera extrêmement difficile ! Alors, plusieurs scénarios se sont imposés : car côté tradition gastronomique, les Egyptiens ne vont jamais fléchir ! Le scénario le plus populaire : remplacer le poisson salé par du poisson frais, garder les salades, un petit morceau d’oignon et les œufs colorés seront là ! D’autres scénarios se montrent conciliants à l’égard d’une overdose de sel : des boissons sont alors préparées pour réduire la rétention du sel dans le corps, ou encore le téhiné (cette huile de sésame visqueuse) sera associée au poisson salé pour briser le goût salé et réduire ce sentiment incontrôlable de soif. D’autres ont préféré repousser le Jour J à la fête du Petit-Baïram. Car, il est de coutume chez les Egyptiens de consommer durant le Petit-Baïram du poisson frais, salé, des crevettes, des gambas. Bref, une symphonie de phosphore qui s’empare des tables à manger. Evidemment, les diététiciens dans les médias ont donné un flot de conseils pour éviter une grande soif en cas de consommation de poissons salés durant Ramadan. Le risque c’est surtout pour les personnes atteintes d’hypertension ou de diabète.
En tout cas, les Egyptiens sont de gros mangeurs, ainsi que de gros humoristes. Leur sens de l’humour fait sourire, pas trop cynique en tout cas, ni candide non plus : alors sur Facebook, ils ont pris l’occasion de peindre tous les mets ramadanesques à la place des œufs de Pâques et de Cham El-Nessim. Des couleurs printanières empruntées à la nature que l’on retrouve dans les qatayefs, ou les petits nids de Konafa. En matière de gastronomie et de fête, rien ne freine les Egyptiens ! Si le poisson salé s’avère être un rêve qui n’est pas à portée de main durant Cham El-Nessim, il sera possible une dizaine de jours plus tard au Petit-Baïram et d’ici là, les pâtissiers verront de beaux jours en remplaçant cette année le sucré par le salé. C’est vrai que certains sont allés trop loin : en amalgamant konafa aux harengs ou aux crevettes pour en faire un plat salé ! Sacrés Egyptiens, créatifs et astucieux, nous trouvons toujours une façon pour faire la fête !