Née en 1859 à l’embouchure nord du canal de Suez, Port-Saïd surgit comme un enfant de l’eau et du sable. La ville est le fruit d’une rencontre : celle de la Méditerranée, toujours changeante, et du désert, silencieux et immobile. De ce contraste est née une cité unique, façonnée par les vagues et par le labeur des hommes, devenue au fil du temps une porte entre les mondes. Son nom évoque aussitôt l’appel des navires, les silhouettes des phares, l’odeur d’iode et de goudron mêlés. Pour le voyageur, elle est une escale qui n’est jamais banale, un lieu où chaque rue semble porter en elle la mémoire d’un départ ou d’un retour.

Premiers pas dans la ville

Arriver à Port-Saïd, c’est d’abord sentir la mer avant même de la voir. L’air salin s’impose, vif, presque coupant, comme pour réveiller le voyageur. La ville s’étend le long de la Méditerranée, ses façades ouvertes au large, ses rues perpendiculaires qui mènent toutes, d’une manière ou d’une autre, vers le rivage. Les bâtiments, avec leurs balcons de bois ouvragés et leurs couleurs légèrement passées, racontent l’histoire d’une cité cosmopolite, marquée par les influences européennes et levantines. On marche dans ces rues comme dans un livre ancien, où chaque façade est une page patinée par le temps.

Le port et la promenade maritime

Le cœur battant de Port-Saïd reste son port, vaste théâtre où se croisent cargos massifs, bateaux de pêche colorés et ferrys glissant vers Port-Fouad. La promenade maritime est une invitation à la flânerie. On y observe les silhouettes d’acier qui se découpent à l’horizon, les mouettes criardes qui suivent les chalutiers, les pêcheurs assis avec patience le long des quais. À la tombée du soir, quand le soleil plonge dans la mer, les reflets dorés illuminent l’eau et transforment le port en une fresque mouvante.

L’architecture, mémoire vivante

Port-Saïd est une ville-musée à ciel ouvert. Ses maisons du XIXe siècle aux balcons de bois finement sculptés, ses immeubles aux colonnades discrètes, ses arcades ombragées révèlent une ville née d’un dialogue entre Orient et Occident. Le voyageur qui lève les yeux découvre des détails insoupçonnés : ferronneries délicates, volets peints aux couleurs passées, balcons suspendus comme des loges de théâtre au-dessus des rues. Ces architectures racontent la mémoire d’une ville ouverte aux vents du monde et aux influences des voyageurs venus de tous horizons.

Les musées et la mémoire culturelle

Le musée national de Port-Saïd est une étape incontournable. Ses salles retracent l’histoire de la région, de l’Antiquité à l’époque moderne, à travers des mosaïques, des sculptures et des objets maritimes. Plus discret mais tout aussi émouvant, le musée militaire témoigne du rôle stratégique de la ville et de ses habitants, et rend hommage à leur courage. Ces lieux offrent une profondeur historique au voyageur et replacent la ville dans un récit plus vaste, où chaque époque a laissé sa marque.

Les sites archéologiques : Les racines profondes de la ville

Au-delà de son visage moderne, Port-Saïd plonge ses racines dans une histoire ancienne, que révèlent plusieurs sites archéologiques.

1. Tell El-Maskhouta : situé non loin de la ville, ce site dévoile les vestiges d’une cité antique remontant à l’époque pharaonique, mentionnée comme une halte sur la route entre le delta et le Sinaï. Marcher parmi ces ruines, c’est retrouver la mémoire des voyageurs et des caravanes qui ont emprunté ces chemins bien avant la naissance du canal.

2. Tell El-Farama (Péluse) : à l’extrémité orientale du delta, ce site impressionnant était autrefois une cité frontalière de l’Égypte antique, connue des Grecs et des Romains. Ses vestiges, témoignant de fortifications, de temples et de basiliques, offrent au visiteur une plongée dans l’histoire d’une ville qui fut une clé stratégique de l’Orient.

3. Tell El-Tina : encore enveloppé de sable, ce site conserve les traces de fortifications médiévales. Pour les amateurs d’archéologie, il illustre la continuité de la région comme zone de passage et de défense.

Ces lieux, bien que parfois éloignés de l’agitation urbaine, constituent l’âme profonde de Port-Saïd et de ses alentours. Ils rappellent que la ville n’est pas seulement née au XIXe siècle, mais qu’elle s’inscrit dans une histoire millénaire, entre pharaons, Grecs, Romains et Byzantins.

Les marchés : Une symphonie de couleurs et d’odeurs

Pour saisir l’âme de Port-Saïd, il faut se perdre dans ses marchés. Le marché central résonne du tumulte des voix, des appels des marchands, des rires et des négociations. Les étals débordent de poissons argentés, de crevettes roses encore frétillantes, de crabes et de calamars. Plus loin, les pyramides de fruits et légumes colorent la rue, mêlant parfums de coriandre, de menthe, d’orange et de tomate fraîche. Les marchés de vêtements et d’articles variés rappellent que Port-Saïd fut longtemps un carrefour du commerce mondial. Flâner ici, c’est entrer dans une symphonie sensorielle où chaque détail enchante.

La gastronomie : Un voyage dans le voyage

La table de Port-Saïd est celle de la mer. Le poisson grillé, accompagné d’épices locales, est le plat roi. Les restaurants du front de mer servent des assiettes débordantes de crevettes, calamars farcis et mulets frais. Le riz parfumé, les salades simples mais relevées et le pain chaud complètent ce festin marin. Dans les petites échoppes, on goûte des douceurs locales, pâtisseries imbibées de miel ou de sirop, qui rappellent les traditions de tout le pays. Chaque repas devient une célébration, un hommage à la Méditerranée et à la générosité de ses flots.

Traverser vers Port-Fouad

Une expérience singulière attend le visiteur : la traversée en ferry vers Port-Fouad, de l’autre côté du canal. Quelques minutes suffisent pour passer d’une rive à l’autre, mais ce court voyage a la saveur d’une aventure. Sur le pont, on respire l’air marin, on observe les navires gigantesques glissant dans le canal, et on savoure l’impression de se trouver à la croisée des routes maritimes du monde. Port-Fouad, plus calme et verdoyante, offre des promenades paisibles et un contraste saisissant avec l’effervescence de Port-Saïd.

Les plages et les rivages

La mer Méditerranée borde la ville d’un rivage généreux. Les plages s’étendent, certaines sauvages, d’autres aménagées, toujours animées par le rire des enfants et les cris des mouettes. S’allonger sur le sable, écouter le bruit des vagues et contempler les bateaux qui s’éloignent vers l’horizon, c’est goûter la poésie simple de la ville. Au coucher du soleil, les rivages prennent des teintes d’or et de pourpre, invitant le voyageur à s’abandonner au rêve.

Un art de vivre maritime

Port-Saïd, c’est aussi un art de vivre. Ses habitants respirent au rythme des marées, des départs et des arrivées. Le voyageur attentif perçoit vite cette relation intime entre la ville et la mer : dans les récits des pêcheurs, dans le regard des enfants qui guettent les navires, dans la musique improvisée qui s’élève parfois des cafés du port. Ici, chaque détail semble animé par le souffle du large.

Conseils pratiques pour le voyageur

·        Se déplacer : la ville est propice à la marche, mais les taxis et microbus permettent d’accéder rapidement aux quartiers plus éloignés.

·        Quand visiter : le printemps et l’automne offrent un climat doux, idéal pour profiter des balades.

·        À ne pas manquer : la promenade maritime, le musée national, les marchés de poissons, la traversée vers Port-Fouad, un déjeuner de fruits de mer frais sur le front de mer.

·        Archéologie : consacrer une journée aux sites de Tell El-Maskhouta, Tell El-Farama et Tell El-Tina, qui enrichissent le voyage d’une profondeur historique.

·        Petits plaisirs : s’arrêter dans un café ancien pour déguster un thé à la menthe en regardant la mer, ou acheter une friandise locale dans une boutique de quartier.

Port-Saïd, la ville au seuil des horizons

Visiter Port-Saïd, c’est embrasser une ville qui a grandi avec la mer, qui a fait de l’eau son miroir et de l’horizon son destin. C’est découvrir une cité dont chaque rue évoque le passage, l’attente et le départ. Ici, le voyageur ne se contente pas de voir : il ressent, il respire, il se laisse imprégner d’une atmosphère où le temps semble suspendu entre la mémoire du passé et la promesse du large.

Port-Saïd n’est pas seulement une escale, c’est une expérience. Une ville qui, comme un navire, garde toujours les yeux tournés vers l’horizon, et qui offre à ceux qui la découvrent la certitude d’avoir touché, ne serait-ce qu’un instant, l’âme de la Méditerranée.