Venant s’ajouter aux effets persistants de la pandémie de COVID-19, la guerre déclenchée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine a déjà un impact négatif majeur sur la marche du monde. Et elle risque de l’avoir encore plus dans le futur. Les conséquences tant de la pandémie que de la guerre contre l’Ukraine sont en effet nettement plus importantes dans les pays du Sud que dans les pays riches. (…)
La guerre contre l’Ukraine entraîne ce qu’on appelle une « stagflation » mondiale, combinant une forte inflation et une stagnation économique, voire une récession. Une situation qu’on n’avait plus connue depuis les années 1970. Elle s’est accompagnée en effet d’une hausse rapide et brutale de l’inflation sous la pression de la hausse des prix des denrées alimentaires, de l’énergie et des principales matières premières. L’inflation avait certes déjà augmenté tout au long de l’année 2021 en raison de la hausse de la demande provoquée par la reprise économique post COVID-19 et des perturbations persistantes dans nombre de chaînes d’approvisionnement à la suite à la pandémie. Elle s’est cependant nettement accélérée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Et davantage encore dans les pays du Sud que dans les pays développés.
L’accélération de l’inflation
Cette accélération n’est pas surprenante dans la mesure où l’Ukraine était l’un des principaux greniers à blé de la planète (et à huile de tournesol dont elle exportait quasiment la moitié des flux échangés à l’échelle mondiale). Tandis que la Russie est un des principaux acteurs sur les marchés mondiaux du gaz et du pétrole. La guerre a aussi gravement perturbé les exportations de céréales et d’engrais russes, domaines dans lesquels ce pays est également un des plus importants acteurs. De ce fait, les prix des produits alimentaires n’ont jamais été aussi élevés qu’aujourd’hui (…)
Cette guerre est en train de déclencher une crise alimentaire de grande ampleur qui menace de déstabiliser de nombreux pays et régions du monde. (…)
De nombreux experts préviennent en effet que le pire est à venir si les exportations ukrainiennes restent bloquées jusqu’à la prochaine récolte qui ne pourrait plus dans ce cas être stockée. D’autant que plusieurs pays, comme l’Inde ou l’Indonésie notamment, ont introduit des restrictions unilatérales sur leurs propres exportations agricoles, tandis que d’autres cherchent à constituer des stocks, exacerbant ainsi les problèmes sur les marchés mondiaux. (…)
Dans le même temps, les Banques centrales font monter partout les taux d’intérêt pour combattre l’inflation. Mais là encore, ce mouvement est plus marqué dans les pays émergents et en développement. Les spreads, déjà élevés, s’accroissent encore en effet pour ces pays et les taux d’intérêt réels (taux d’intérêt – taux d’inflation) y redeviennent positifs. (…)
Dans ce contexte inquiétant, on a également observé ces dernières semaines une chute rapide des cours sur les marchés financiers et notamment une perte de valeur spectaculaire des crypto-monnaies. Un mouvement qui pourrait annoncer l’arrivée d’une nouvelle crise financière, accompagnée d’une « fuite vers la qualité » des capitaux internationaux. (…)
Face à ces défis qui s’accumulent, les pays émergents et en développement ont nettement moins de marges de manœuvre fiscale et budgétaire que les pays développés. (…)
Confrontée aux conséquences majeures de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a déjà, au-delà des belles paroles, toutes les peines du monde à accroître en pratique sa solidarité interne pour y faire face. Il semble donc malheureusement peu probable qu’elle soit à l’initiative ou qu’elle participe activement au « Plan Marshall » mondial qui serait pourtant indispensable pour limiter les effets potentiellement catastrophiques de la guerre dans de nombreux pays et régions du globe.