De par le monde, il n’y a pas d’écriture à même de tenir bien debout ou concurrencer la virtuosité de l’art dont jouit la calligraphie arabe. A regarder ces lettres majestueusement ornées, l’on se rend parfaitement compte de cette réalité. Ce genre d’écriture, qui en plus d’être un chef-d’œuvre expressif, est un fidèle témoin du sens qu’elle porte dans ses replis. Tellement flexibles, les qualités musicales, mélodiques et rythmiques réservent à la calligraphie tout un volume dans l’encyclopédie des arts graphiques.
Dans certains tableaux, elle se montre tellement souple et gracieusement glissante qu’elle nous évoque le paysage adorable des eaux des cascades, alors que dans d’autres, elle est dure et figée comme les rochers et les murs ridés qui réservent le secret de ces décorations. Le peuple arabe est un peuple de l’oralité, arpenteurs de nature aride, voyageurs, ils ont toujours vécu avec la poésie, leur domaine de prédilection. Le mot concrétisait l’image alliant musicalité déclamatoire et sens. Plus tard, comme l’arabe est la langue de la révélation coranique pour la religion musulmane, l’écriture prit une grande place dans cette civilisation et devient un des principaux moyens de la mise à exécution de l’ordre divin “Lis”. Le mot calligraphié fut tout naturellement le prolongement d’une nation qui sanctifie la valeur de l’inscription.
Tableaux splendides
Comme l’incarnation de tout être doué d’une âme est considérée dans la foi musulmane comme un pêché majeur, le calligraphe s’ingénie afin de contourner cette “collision” en ouvrant à lui-même d’autres perspectives d’innovation illimitées. Des cieux ouvrant grandes les portes devant l’écriture arabe pour qu’elle rayonne et éclate avec tout ce qu’elle comporte de valeurs expressives et caractéristiques esthétiques. Se servant des enlumineurs, des lettres typiques et des extatiques de l’écriture arabe, l’artiste, fortement agrippé à mettre au clair les nobles valeurs de cette écriture, donne des tableaux splendides où se mêlent les matériaux et les genres dans une œuvre de beauté inédite. D’où la calligraphie s’impose comme support artistique incontournable. Quoi de plus fascinant notamment si l’on ajoute à tout cela l’usage mythique des jeux de lumières, de l’ombre, des couleurs extraites de la nature ! Le tout forme enfin des dimensions harmonieusement placées. Une écriture qui définit l’identité A mesure que l’artiste va même jusqu’à penser à poser ses retouches sur des matériaux autres que le papier, disons les vases, les céramiques, les murs des mosquées, des palais, des fontaines et même les mausolées ne font pas exception. Le procédé stylistique s’améliore et devient de plus en plus poussé : la forme des caractères s’allonge, les mots ne suivent plus de lignes et se décorent de motifs floraux ou géométriques. Cette nouvelle complexité des techniques stylistiques, qui obéit à de nombreuses règles, donne naissance à différentes écoles de calligraphies, dont les plus célèbres sont celle d’Ibn Al Bawwab au XIe siècle et celle d’Al Moustasem au XIIIe siècle.
Pas mal de styles
Chacun correspondant à une position hiérarchique particulière : une écriture spécifique est dédiée aux califes, une autre aux ministres, une autre encore aux princes. Il est de même des formes de lettres et des présentations différentes selon la fonction du texte: contrats, finances, poésie, courrier diplomatique, etc. Et selon le pays et la langue, le style calligraphique diffère. Chaque culture tisse progressivement sa typographie de sorte à illustrer ses traditions culturelles, faisant ainsi de l’écriture un facteur identitaire. On retrouve, par exemple, le style mamelouk, andalou, persan, ottoman ou maghrébin. Toutefois, le style le plus courant était le style coufique. Les premiers Corans ont été écrits dans ce style. Avec l’arrivée du style naskh et d’autres styles notamment iraniens, le style coufique a eu tendance à être progressivement abandonné.
El-Guébaly, symbole de l’art moderne
Les siècles se sont si vite écoulés en un clin d’œil et tant de couleurs artistiques ont fait leur apparition comme l’art théâtral, cinématographique,…etc. Malgré tout, l’art graphique n’a rien perdu de son faste, fort gravé dans l’esprit de ses fans, une plume intarissable racontant l’histoire de la culture de la société d’où elle provient. Pas mal de noms de grands plasticiens dans le temps moderne, citons à titre d’exemple le Cheikh des plasticiens, le fameux artiste Hussein El-Guébaly. Ses chefs-d’œuvre demeureraient donc des modèles pour quiconque aimerait apprendre la finesse de l’art et l’habileté de l’expression. El-Guébaly a excellé dans les arts calligraphiques et ses œuvres ont enrichi la vie artistique folklorique et plastique. Il suffisait de voir de loin un tableau pour savoir que la griffe qu’il portait est celle d’El-Guébaly. Même très malade, il n’a jamais abandonné sa plume et ses œuvres ont été souvent inspirées par les synonymes et les symboles du patrimoine, transformant la calligraphie arabe en un élément principal dans ses œuvres, à travers des dimensions esthétiques qui transforment ces simples lettres typiques en une valeur expressive hors-pair.