Par: Samir Abdel-Ghany




Dans l’écrin lumineux de la galerie Passion, un vent d’allégresse et de poésie a soufflé lors du vernissage du nouveau parcours pictural du grand artiste Wagih Yassa. Devant un public composé d’artistes, de critiques et d’amateurs venus d’Égypte et du monde arabe, l’exposition s’est imposée non pas comme une simple succession de toiles, mais comme une véritable expérience sensorielle où la couleur respire, palpite et galope.
Dès les premiers pas dans la salle, le visiteur entend presque le souffle des chevaux se mêler aux vers du poète Al-Mutanabbî célébrant sa monture, aux récits héroïques d’Antara, ou encore à la voix d’Ama Doungol en quête du chevalier perdu. Dans un coin, on croirait voir Ahmed Chawqi expliquer une toile à son ami Hafez Ibrahim avant d’aller saluer l’artiste pour percer le mystère de cette magie. Car ici, chaque œuvre est un monde, chaque trait un battement, chaque couleur une émotion qui s’élève.
Le peintre Galal Gomaa, admirant les toiles, résume l’essence de cette aventure :
« Wagih Yassa affirme sa singularité dans chaque détail. Ce n’est pas une répétition de ses expériences passées, mais un univers à part entière où les chevaux deviennent l’extension de son âme. »
Pour le cinéaste et artiste en animation Maher Daniel, Yassa parvient à rendre la sensation du mouvement tangible :
« Le hennissement des chevaux, le vent, la poussière… tout semble s’échapper des toiles. On se croirait dans un film dont la lumière et le rythme envahissent la salle. »
La peintre Engy Mahmoud y voit quant à elle « la joie de l’enfance et la noblesse de la chevalerie ».
« Wagih manie le pan pastel comme un enfant qui dessine ses rêves, un chevalier qui s’arme pour une épopée, ou un amant qui offre à sa bien-aimée un trésor arraché à la guerre. »
Le photographe Hassan Dawoud confie, émerveillé :
« Je n’ai pas vu des tableaux, mais une partition musicale complète, emplie d’amour, de lumière et d’espérance. »
Quant à Adham Shaker, il se contente d’un sourire avant de murmurer :
« Je savoure chaque trait, chaque éclat de couleur… J’ai l’impression d’être passé de l’autre côté du miroir, dans un monde que Wagih a ouvert avec simplicité et profondeur. »
Le peintre et son galop intérieur
Installé entre l’Égypte et le Canada, Wagih Yassa poursuit depuis des décennies une quête : comprendre la symbolique du cheval, cet être de mouvement et de liberté. Mais dans cette exposition, il franchit un seuil : les chevaux ne sont plus des formes reconnaissables, ils deviennent mouvement pur, énergie chromatique, souffle d’abstraction. L’artiste fusionne avec son sujet : il est à la fois le cheval et le cavalier, la main et le vent, le geste et la lumière.
Ses œuvres explorent diverses matières — acrylique, huile, pan pastel, aquarelle — mais toutes partagent une même pulsation : une lumière intérieure, vibrante et chaude.
Dans ses fonds sombres, des éclats d’or, de vert et de blanc surgissent comme des étincelles dans la nuit. Sur papier blanc, l’aquarelle devient rêve : le violet et l’orange s’y fondent en une brume tendre, presque onirique.
Ce n’est ni la narration ni la scène qui l’intéressent, mais le rythme intérieur du regardeur. Ses toiles ne racontent pas, elles respirent. Elles ne décrivent pas un cheval, elles évoquent l’idée du galop, le vertige du mouvement, la musique du silence.
L’art comme fidélité à la lumière
Dans cette exposition, Wagih Yassa réaffirme son rang parmi les grands noms de la peinture contemporaine égyptienne. Fidèle à l’héritage des maîtres tout en explorant les audaces de la modernité, il célèbre la rencontre éternelle entre la couleur, la lumière et le rythme.
Rien n’est figé, tout vibre, danse, s’élance. L’artiste ne se répète jamais : il réinvente la surprise à chaque trait, à chaque souffle.
Et parce que toute œuvre majeure mérite mémoire, nombreux sont ceux qui souhaitent que les toiles de cette exposition soient documentées et conservées — témoignage d’un moment où la peinture a su redevenir enchantement.
Une salve d’admiration va aussi à Shereen El-Khalili, artiste avant d’être galeriste, dont la passion a permis à ce miracle visuel de voir le jour.
L’exposition se poursuit à la galerie Passion, ouverte à tous ceux qui croient encore qu’une toile peut être une prière de lumière, une symphonie silencieuse, une caresse pour l’âme.
Ici, la couleur ne se contemple pas : elle se vit.