


Dans les murs feutrés du palais de la culture d’Ismaïlia, les rideaux se sont ouverts sur une adaptation bouleversante de “Tartuffe”, œuvre intemporelle du dramaturge français Molière. Sous la direction artistique de Mohamed Abdel Khaleq, la troupe du centre culturel de Tell El-Kebir a redonné souffle à cette satire corrosive, dans une mise en scène audacieuse et intensément humaine.
La soirée, inscrite dans le cadre des représentations du théâtre régional organisées par l’Organisme Général des Palais de la Culture, présidé par le général Khaled El-Laban, s’est déroulée en présence d’un public attentif, mais aussi d’un jury composé de figures éminentes : le metteur en scène Galal Othman, le critique Mohamed Allam et le scénographe Mahmoud Gamal.
Supervisé par Mohamed Nassif, vice-président de l’Organisme, et orchestré en partenariat avec la direction culturelle du Canal et du Sinaï, le spectacle s’inscrit dans la volonté du ministère de la Culture de rapprocher le théâtre des cœurs et des territoires.
Une adaptation locale à l’écho universel
L’intrigue, fidèle à l’esprit du texte original de Molière, se déploie dans la maison d’Adam, un père de famille dont les proches semblent peu à peu céder aux manipulations d’un personnage ambigu : Tartuffe, incarnation de l’hypocrisie vertueuse.
Le grand-père, voix de la sagesse, s’insurge contre la passivité de sa famille et les met en garde : il est temps de reprendre le contrôle de leur vie, de ne plus laisser ce manipulateur régner sur leurs choix. L’évolution de l’histoire lui donnera raison, dans une lente prise de conscience teintée de remords et de sursaut.
Une esthétique sobre, au service d’un propos mordant
Le spectacle a été servi par une équipe artistique engagée : Mohamed Nabil, Amir Hassan, Abdou El-Ahmar, Ahmed Yasser, Nada Yasser, Randa Youssef, Ahmed Youssef et Ahmed El-Gazzar, dont les performances ont alterné entre émotion contenue et tension dramatique.
Le décor de Mohamed Chaouai, minimaliste et suggestif, a su recréer les non-dits et les dissonances du foyer. Les éclairages de Mohamed Hamed ont accentué les contrastes moraux, tandis que les costumes de Hossam Abdel Hamid ont discrètement souligné les statuts et les transformations des personnages.
La musique originale de Mohamed Ali et le maquillage soigné de Nada Yasser ont achevé de donner à cette production un souffle vivant, moderne et cohérent.
Un théâtre qui interroge, qui dérange, qui réveille
Cette version égyptienne de Tartuffe ne se contente pas de traduire un classique : elle en révèle la brûlante actualité. En plaçant l’histoire dans un contexte familier, elle parle à chacun. Le combat contre la tromperie, l’appel à la responsabilité individuelle, le rejet de la domination déguisée en vertu… autant de thèmes qui résonnent profondément dans notre société contemporaine.
À Ismaïlia, le théâtre a une fois de plus prouvé qu’il est bien plus qu’un divertissement : il est un acte de lucidité.