Si une partie de la réponse est d’ordre sanitaire ou scientifique, une autre se situe dans nos représentations sociales. Pour qui a vécu la pandémie et ses impacts sanitaires, sociaux, économiques, en étant parfois intimement confronté à la maladie et à la mort et en subissant des restrictions somme toute liberticides, rien ne serait plus doux que d’être réveillé par une voix disant: «Hey, debout, la pandémie est terminée.» Mais que signifie «la pandémie est terminée»? Y a t-il des indicateurs spécifiques pour nous permettre de dire qu’elle est belle et bien derrière nous ? Comme vous allez le voir, il n’existe pas une réponse claire ou, du moins, celle-ci se situe au sein d’un mille-feuille de réponses plus ou moins floues, empruntant aussi bien à l’épidémiologie et à la virologie qu’au culturel, au politique, au social et au sémantique. Commençons. Diriez-vous aujourd’hui que la pandémie de Covid-19 est terminée ? Malheureusement non (…) qu’est-ce qu’une pandémie ? Le terme vient du grec ancien πᾶν / pãn («tous») et δῆμος / dễmos («peuple») et désigne une épidémie présente sur plusieurs continents. Dans le sens courant, elle touche une partie particulièrement importante de la population mondiale. (…) Ainsi, le Règlement sanitaire international ne mentionne même pas le terme de «pandémie», quant à l’OMS, elle ne l’évoquait qu’à propos de la grippe dans ses plans de préparation. Elle avait d’ailleurs déclaré que l’émergence de la grippe H1N1 était une pandémie en 2009, puis s’est autorisée à nommer pandémie l’émergence de Covid-19 (…). L’épidémiologie théorique est la discipline scientifique qui vient pour trancher la question. C’est le taux de reproduction R qui arbitre le match. Quand il est supérieur à 1, le virus a le dessus, l’épidémie s’installe. Quand il atteint la valeur de 1, le pic de l’épidémie est atteint, puis s’il redescend au-dessous de 1, l’épidémie s’éteint. Mais alors, pourquoi ne pas adopter cette définition simple pour caractériser l’extinction d’une pandémie ? Parce (…) la pandémie n’était pas terminée après la première, ni après la deuxième et nous en sommes à la fin de la quatrième, sans oser espérer qu’elle soit enfin terminée. Cependant pour la pandémie de grippe H1N1 de 2009 évoquée plus haut, nous avons subi des vagues saisonnières pendant les dix années consécutives suivantes, balayant toutes les régions du globe, sans que personne ne s’aventure à dire qu’il s’agissait de la énième vague de la pandémie de grippe H1N1. (…)
La part de représentations sociales
On perçoit peut-être que l’on a affaire à une notion que l’on pouvait penser être d’ordre sanitaire ou scientifique, mais qui finalement semble intimement liée à ses conséquences sociales et économiques et aux mesures prises pour l’endiguer. Aurionsnous accepté les restrictions sanitaires que nous avons connues sans que le mot «pandémie», avec sa connotation catastrophiste, ne soit prononcé ? Et, réciproquement, l’annonce de la pandémie a probablement été un catalyseur mobilisant les dirigeants des nations à se préparer à devoir agir et la population à s’attendre à devoir encaisser un choc sans vraiment savoir ni sa nature, ni son ampleur, ni sa durée. Tenez, c’est peut-être un début de définition d’une pandémie!(…) Alors quand en aurons-nous fini avec la pandémie de Covid ? La réponse est loin d’être simple. Nous pourrions peut-être nous dire que la pandémie sera terminée quand le R effectif (RE) sera inférieur à la valeur 1 pendant un temps suffisamment long à déterminer, sur tous les continents, dessinant alors une situation qui nous permette de lever toutes les mesures sanitaires. C’est-à-dire que nous serions sortis de la pandémie dès lors que nous pourrions revivre comme avant, ou presque, sans que les chiffres ne s’envolent à nouveau. (…) Une autre façon de définir la fin de la pandémie serait de la centrer sur notre vie quotidienne: elle adviendrait lorsque l’on tournera vraiment et durablement la page, lorsque nous vous parlerons d’autre chose (…).