Par Samir Abdel-Ghany








Je l’ai rencontrée pour la première fois chez le grand artiste Wagih Yassa, venue de Syrie, parlant des horreurs de la guerre et des souffrances de l’exil. Malgré sa beauté douce et délicate et son esprit charmant, la tristesse dominait le ton de sa voix et les traits de son visage.
Ce jour-là, toute la nourriture était syrienne. Quand on a demandé qui était l’auteur du festin, le maître de maison, Wagih Yassa, a répondu en désignant Rala, disant : « Cette femme généreuse a décidé que la journée serait entièrement syrienne, en nourriture, en art et en esprit créatif. » J’ai vu quelques-uns de ses dessins. Elle peint en amateur, exprimant ses sentiments et ses peines à travers le pinceau et les couleurs, les déversant sur le papier. Ce qu’elle a de plus beau, c’est la sincérité et la simplicité de ses œuvres.
Je l’ai rencontrée une deuxième fois au Greek Campus (bibliothèque de l’Université Américaine). Il y avait une exposition d’artistes arabes vivant en Égypte. Parmi nous, il y avait des créateurs d’Irak, du Yémen, d’Arabie Saoudite et d’Irak. Rala représentait la Syrie, accompagnée du grand artiste Sroure Alwani, de son fils Anmar et de sa femme Rima. Rala commençait à maîtriser son art, exprimant avec mélancolie la vie en Syrie à travers des couleurs vives, empreintes de l’âme, des senteurs des arbres et du goût des maisons syriennes. Rala présentait ses œuvres comme on offrirait un délicieux repas. Chacun de ceux qui en goûtaient disait « Allah » et en redemandait.
Elle continue de peindre avec spontanéité et une sensibilité enfantine intacte. Chaque tableau est un morceau du cœur de la Syrie, avec des caractéristiques des lieux, des sentiments des jeunes filles et des chants des amoureux.
Rala a disparu et est partie à Dubaï. On n’a plus entendu parler d’elle jusqu’à ce que je la revoie des années plus tard chez Wagih. Elle m’a raconté qu’elle était devenue artiste professionnelle, avait exposé en Allemagne, où son exposition avait été bien accueillie à Berlin. Je lui ai demandé de me montrer ses nouvelles œuvres. Elle a promis de m’envoyer des vidéos et des articles de journaux allemands parlant de l’exposition. J’étais heureux de voir le bonheur revenir sur son visage et la confiance dans sa voix. Elle évoluait parmi les créateurs comme une victorieuse, fière d’avoir supporté tant de douleurs et de rester capable de continuer. Le succès qu’elle avait atteint faisait briller ses yeux, ces yeux qui autrefois pleuraient.
En rentrant, j’ai vu les vidéos de l’artiste. Elle y disait que l’art n’a pas de frontières, qu’elle était heureuse d’exposer à la Galerie Arabesque à Berlin, où elle présentait son exposition « Beroia », peignant des filles, des maisons, le ciel de Syrie, des ballerines et des derviches tourneurs. À chaque tableau, elle espère devenir un esprit, volant au-dessus des continents, loin des défaites et des échecs, retrouvant les êtres chers, visitant les lieux de l’enfance pour revivre les plus beaux moments de joie. Elle souhaite être un esprit transparent parlant de vérité, justice, beauté et liberté. Elle disait que l’homme naît libre et doit mourir libre.
« Je n’aime pas les tableaux qui défigurent le visage humain et détruisent toutes les proportions. J’aime la liberté dans l’art, mais il faut qu’il y ait quelque chose qui te fasse aimer le tableau, puis aimer la vie. J’aime les tableaux qui, chaque jour, te donnent un sentiment sincère pour continuer. Les filles que je dessine sont mes filles. Parfois, je ressens de la jalousie et de la colère quand quelqu’un décide d’acheter un de mes tableaux. Chaque tableau que je peins est un message d’amour à un ami cher. Cet ami est celui qui possédera le tableau. »
Dans le salon, des chanteurs interprétaient des chansons arabes comme « Hobi Jamalou Fatani », puis « Ya Mousafir Wahdak » et enfin « Qaddak El Mayyas Ya Omri ». Les yeux de Kanjo brillaient, ces yeux autrefois remplis de larmes étincelaient de triomphe, l’esprit défiant les défaites, appelant au rêve, à l’espoir et à l’amour.