Le mois sacré de l’islam s’est fait une place de choix sur le réseau social. Avec certaines dérives qui suscitent l’interrogation. Après avoir débuté le 11 mars, le mois du Ramadan, le jeûne religieux se fait une place prépondérante dans les contenus postés sur les différentes plateformes comme TikTok, ce qui engendre inévitablement de nombreux débats pour les utilisateurs, pratiquants et non pratiquants, rapporte le site lepoint.fr.

Avec plus de 50 milliards de vues à travers le monde sur TikTok, le hashtag #Ramadan se classe dans les têtes des tendances actuelles. C’est le sujet qui cumule sur la plateforme prisée des jeunes près de 2 millions de vues. Parmi les sujets de prédilection des utilisateurs, c’est la cuisine qui arrive en tête des scores. Astuces, recettes et achats, les vidéos qui allient « food » et « Ramadan » rencontrent un franc succès, au point que même les influenceurs non musulmans en font leur contenu.
« What I eat Ftour Spécial Ramadan »

« Ce soir je fais le Ftour, donc je vais aller acheter des petits gâteaux », raconte l’influenceuse aux plus de 4 millions d’abonnés Poopi Bhl, de son vrai prénom Pauline. Connue pour son contenu axé autour de la nourriture, Pauline, pourtant non musulmane, enchante ses abonnés en publiant plusieurs vidéos autour du Ramadan et plus particulièrement du « Ftour », nom donné au repas du soir qui vient rompre le jeûne. En reprenant la tendance connue de la plateforme qui consiste à filmer et décrire en détail ce que l’on mange lors d’un repas ou encore d’une journée, Pauline décide même d’intituler l’une de ses vidéos (qui compte en deux jours plusieurs millions de vues) « What I eat Ftour Spécial Ramadan » et se filme, face caméra, en train de déguster dattes, bricks et autres mets traditionnels.

Une autre créatrice de contenus, @andji_cook, connue de ses sept cent mille abonnés pour ses recettes concoctées pour son mari, a décidé lors du mois du Ramadan de tourner son contenu vers des recettes spéciales pour rompre le jeûne « Ça fait un an que j’attends le Ramadan pour manger ce tiramisu ! » s’exclame son mari, ravi, lorsqu’Andji lui tend le dessert qu’elle a préparé. Et pour varier des repas à la maison, l’influenceuse n’hésite pas à recommander à ses abonnés des restaurants « où couper ce soir » (comprendre rompre le jeûne).

Safia, 16 ans et lycéenne en Seine-Saint-Denis, raconte avec sa mère Imane leur petit rituel du soir, rythmé par les vidéos TikTok. « Comme nous sommes trois à rompre le jeûne avec mon petit frère et ma mère, on aime bien elle et moi attendre l’heure du Ftour en choisissant ensemble dans le canapé des vidéos recettes que l’on trouve sur TikTok et que l’on a envie d’essayer de cuisiner toutes les deux », raconte Safia. Pour l’adolescente et sa mère, c’est un « beau moment de convivialité ». « Je trouve qu’elle passe beaucoup de temps sur TikTok et je ne sais pas trop ce qu’elle regarde, mais cette année, Safia a eu envie de me montrer des nouvelles recettes pour varier et je me suis prise au jeu d’en découvrir avec elle, ça me donne des idées et j’en envoie même souvent à mes sœurs en Tunisie », ajoute Imane.
Fais ci, fais pas ça

Mais les réseaux sociaux sont bien connus pour engendrer de nombreuses polémiques et débats. Et les musulmans pratiquants n’en sont pas exempts, comme en attestent les frictions autour du maquillage pour les créatrices de contenus. « Je n’ai jamais dit que je ne faisais pas le Ramadan, à un moment donné j’ai mis des ongles, ce ne sont pas des ongles qui restent très longtemps, c’était pour une pub, je les ai enlevés et dans tous les cas j’étais indisposée, d’accord ? » s’agace une jeune influenceuse surnommée @norel_imen sur TikTok. Au cœur d’une polémique, la jeune femme se voit reprocher notamment le fait de se maquiller ou encore de porter des faux ongles en pleine période de Ramadan.
L’influenceuse n’est pas la seule à être sermonnée pour son utilisation du maquillage : nombreuses sont les créatrices de contenus à être épinglées en commentaires par leurs abonnés si ces derniers remarquent le moindre artefact esthétique. « Salam Aleykum, indisposée ou pas, les ongles restent interdits, qu’Allah nous facilite », peut-on lire par exemple sous les vidéos de @norel_imen. Benattia, une jeune influenceuse, avait déjà pris position sur le sujet après qu’un abonné lui a rappelé que le maquillage serait « haram » durant le Ramadan : « C’est écrit où ? Ce n’est pas du tout écrit ça, c’est écrit qu’en gros il ne faut pas attirer le regard, mais on peut se maquiller. Tu te maquilles léger, je ne vais pas mettre des faux-cils de dix mètres. »
D’autres comme @iamness, jeune influenceuse beauté, propose des contenus « Ramadan make-up » composés uniquement de crèmes pour le visage afin de ne pas offenser sa communauté… Mais récolte malgré tout des critiques sur son manque de piété : « déjà le Ramadan, c’est sans musique », lui rappellent ses abonnés, outrés qu’elle ait utilisé un fond musical pour sa vidéo.
Vérifier la pratique religieuse des autres devient d’ailleurs même un défi : parmi les micros-trottoirs prisés de la plateforme, une variante est même proposée aux personnes de confession musulmane. Contre une somme d’argent mise en jeu, les personnes interrogées doivent « rompre leur jeûne » devant la caméra. « Si maintenant tout de suite je te donne 10 euros, est-ce que tu coupes ton Ramadan ? » demande un influenceur lyonnais à un adolescent. Au fur et à mesure de ses refus, l’influenceur augmente les enchères jusqu’à atteindre la somme de 100 euros : « L’argent c’est éphémère, la religion non », maintient l’adolescent, qui se voit finalement octroyer la somme de 20 euros pour ne pas avoir cédé à la tentation.
Vlog Ramadan
Et une autre déclinaison séduit les utilisateurs qui pratiquent ou non le jeûne religieux: les « vlogs Ramadan ». À l’instar de la célèbre Lena Situations, influenceuse française connue pour raconter ses journées dans des « vlogs », à savoir des vidéos de récits quotidiens, ceux qui pratiquent le Ramadan se mettent aussi à filmer leur routine de la journée, du lever avant l’aube au repas après le coucher du soleil. Parmi les contenus, celui de l’influenceuse Syrine se démarque, puisque cette dernière reprend les codes d’autres créatrices de contenus pour les décliner sur son quotidien de pratiquante.
Vêtue d’une abaya (tenue traditionnelle qui masque l’entièreté du corps excepté le visage), Syrine filme toute sa journée sur Snapchat et TikTok, de sa chambre à sa préparation pour les cours et propose même une déclinaison « mode » : « Coucou tout le monde, avec l’approche de l’Aïd je reçois beaucoup de messages pour me dire : « Syrine est-ce que tu aurais des idées d’outfit (tenues) pour l’Aïd » ? Je suis là pour ça », se filme la lycéenne, qui propose à ses abonnées différents types d’abaya et de voiles.
Et son contenu fait même des envieuses : « Jveux porter le voile… » lui écrivent des adolescentes admiratives sous ses vidéos ; « Fonce ! » leur conseille-t-elle, visiblement fière de son influence.