Dans la lumière dorée du Zamalek, la galerie Dai a ouvert ses portes dimanche soir sur un voyage singulier : celui du professeur et plasticien Réda Abdel Salam, intitulé « Mon périple entre expérimentation et renouveau ». Un demi-siècle de création condensé en un mois d’exposition, où se pressaient générations confondues d’artistes et d’étudiants des Beaux-Arts, venus rendre hommage à un maître de la métamorphose.
L’assistance était à l’image de l’œuvre : éclectique et riche. L’ambassadeur Hazem Ramadan, ancien consul général d’Égypte à Djeddah, accompagné de son épouse, l’artiste Dr. Nevine Darwich ; l’artiste Ibtissam Zaki Abdel Rahman, épouse de l’ambassadeur Oussama El-Achiri ; Tarek El-Koumi, syndic des plasticiens ; le Dr. Issam Heles, président de l’Union des plasticiens palestiniens ; et une constellation de grands noms de l’art égyptien — Sami El-Balachi, Salah Hammad, Ahmed El-Gnayni, Safia El-Kabbani, Walid Obeid, parmi tant d’autres.
La philosophie du déchet noble
Le critique d’art Hicham Kandil, dans une analyse pénétrante, saisit l’essence de cette œuvre protéiforme : « Celui qui suit le parcours de Réda Abdel Salam découvre aisément une trajectoire en perpétuel renouvellement, qui croît comme un organisme vivant, ouverte au nouveau, tout en enrichissant continuellement son patrimoine plastique au contact du réel contemporain. »
Car c’est là toute la singularité d’Abdel Salam : il ne répète jamais. Ses toiles respirent, évoluent, se nourrissent des souvenirs de son enfance à Suez la vaillante, de cette ville portuaire où la mer et l’industrie tissent des histoires de labeur et de rêve. Loin de tout discours tonitruant, il construit une esthétique du murmure, où l’environnement et la nature deviennent prétextes à des compositions d’une beauté magnétique.
L’art du recyclage mémoriel
« Réda Abdel Salam recycle la mémoire elle-même », poursuit Kandil avec justesse. Cette mémoire devient une arme créatrice qui dynamite le présent pour se projeter vers l’avenir. Sous ses mains expertes, les objets délaissés, les toiles abandonnées, les rebuts du quotidien se métamorphosent. Ce qui était condamné à l’oubli retrouve une seconde vie, chargée d’une énergie esthétique et d’une conscience écologique.
L’artiste ne se contente pas de juxtaposer des matériaux hétéroclites. Il les déconstruit, les réinvente, crée des architectures visuelles inédites où le réel se désagrège pour renaître dans une syntaxe nouvelle. Du prosaïque au poétique, du banal au sublime, il trace un chemin où « l’inutile » devient vibrant de sens et de beauté.
Entre audace formelle et fidélité à soi
Ses compositions marient l’audace des agencements à une palette chromatique variée, puisant dans le répertoire visuel et populaire égyptien pour le transformer en visions oniriques imprégnées de mouvement et de suggestions. « Provoquer l’étonnement demeure l’une des caractéristiques majeures de Réda Abdel Salam », souligne le critique, qui voit en lui un pionnier ayant découvert de nouvelles dimensions pour la toile, passant du discours didactique au langage du rêve et de la stupéfaction.
Et pourtant, malgré cette soif d’innovation, ses œuvres demeurent immédiatement reconnaissables. « Quels que soient sa rébellion et son renouvellement, les créations de Réda Abdel Salam resteront éclatantes et impossibles à confondre, pour une raison unique et légitime : elles portent simultanément sa fécondité et sa singularité. »
L’art comme responsabilité
Pour l’artiste lui-même, la démarche dépasse le geste esthétique : « L’art n’est plus simplement un moyen d’expression esthétique, il est devenu une responsabilité envers l’environnement et la société. » Cette philosophie l’amène à transformer ce qui n’a « aucune valeur » en œuvres palpitantes de vie et de signification, alliant la maîtrise de l’artisan à la conscience de la durabilité.
De 11 heures du matin à 21 heures, rue Hassan Assem au Zamalek, jusqu’à la fin du mois, le public pourra se laisser emporter par cette expérience visuelle qui redéfinit les rapports entre beauté et environnement dans l’art égyptien contemporain. Une invitation à voir autrement, à comprendre que dans les fragments du monde, se cache peut-être l’âme même de notre temps.





