L’histoire de l’Egypte a toujours captivé l’imaginaire collectif par la figure imposante des pharaons de l’Égypte antique. Ces souverains, emblèmes de puissance et de grandeur, continuent d’exercer une fascination éternelle. Cependant, à l’ombre de ces rois se trouvent des reines tout aussi influentes, comme Hatchepsout, Néfertiti, Néfertari ou encore Cléopâtre, dont la postérité transcende les siècles. Loin des polémiques modernes, comme celles autour du teint de Cléopâtre, il est temps de s’interroger sur l’étendue du pouvoir qu’ont exercé ces femmes. Florence Quentin, égyptologue passionnée, éclaire cette dimension méconnue du pouvoir féminin dans l’Égypte ancienne, selon TV5.org.
La société égyptienne antique, bien que patriarcale, laissait place à une certaine égalité, offrant aux femmes des droits rares dans le monde antique. Elles occupaient des rôles variés et prestigieux : régentes, grandes épouses royales ou pharaonnes. Ces “dames de grâce”, comme les désigne Florence Quentin, ont su marquer de leur empreinte l’apogée de la civilisation égyptienne, notamment durant le Nouvel Empire, entre 1550 et 1069 avant notre ère. “Elles étaient qualifiées de ‘souveraines de toutes les femmes et de tous les pays'”, note l’égyptologue. Ce statut révèle non seulement l’influence de ces souveraines, mais aussi la condition remarquable des femmes égyptiennes, respectées et dotées de droits dans toutes les classes de la société.
En Égypte, aucune loi n’interdisait aux femmes d’accéder au trône, contrairement à des sociétés plus tardives où régnaient des lois saliques rigides. Florence Quentin souligne que “personne ne pouvait s’opposer à ce qu’une femme soit pharaonne”. Si ces règnes féminins furent souvent courts, entre deux et quatre ans, ils ont laissé des traces profondes dans l’histoire. Parmi ces figures, Hatchepsout est sans doute la plus célèbre. Grande épouse royale de Toutmosis II, elle devient régente à la mort prématurée de son mari. Alors âgée de seize ans, elle veille sur son jeune neveu, alors enfant, et décide, après sept ans de régence, de se faire couronner pharaonne. Loin d’évincer son neveu, Hatchepsout règne à ses côtés, instaurait une coroyauté unique dans l’histoire de l’Égypte. “À aucun moment elle ne le repousse, ils sont deux pharaons”, insiste Florence Quentin.
Ce règne exceptionnel de vingt-deux ans s’explique non seulement par son habileté politique, mais aussi par sa capacité à se présenter comme une souveraine puissante. Pour s’imposer, Hatchepsout se fait progressivement représenter en homme. “Les Égyptiens savaient qu’elle était une femme, mais elle devait montrer une image de force et de puissance face à son entourage masculin et aux pays vassaux”, explique Florence Quentin. Ce processus de masculinisation, visible dans les représentations artistiques de la reine, en dit long sur la difficulté pour une femme de s’affirmer au pouvoir suprême dans une société malgré tout dominée par les hommes.
Cette singularité égyptienne se retrouve dans la place occupée par les femmes dans la société. En comparant leur statut avec celui des femmes grecques, Florence Quentin souligne l’exception égyptienne. “Les femmes égyptiennes jouissaient d’un statut privilégié. Elles n’étaient ni sous la tutelle de leur père, ni sous celle de leur mari”, contrairement aux femmes grecques qui, deux mille ans plus tard, passaient de l’autorité de leur père à celle de leur époux. Les femmes d’Égypte pouvaient non seulement exercer des métiers réservés ailleurs aux hommes, mais aussi engager des actions juridiques, gérer leurs biens, et même récupérer leur dot en cas de séparation.
Cet équilibre relatif entre les sexes trouve son apogée dans le rôle de conseillères et de partenaires que certaines souveraines jouèrent aux côtés des pharaons. Nefertari, grande épouse royale de Ramsès II, entretint des correspondances diplomatiques avec son homologue, la reine hittite, témoignant ainsi de l’importance politique de ces femmes. “Elles n’étaient pas simplement de beaux ornements”, conclut Florence Quentin. Au contraire, elles incarnaient la déesse vivante aux côtés du pharaon et jouaient un rôle actif dans la diplomatie et la politique du royaume.
Ainsi, à travers l’exemple de ces pharaonnes, se dessine un portrait fascinant d’une société où, malgré les discriminations, les femmes pouvaient se hisser aux plus hautes sphères du pouvoir, rappelant à quel point l’Égypte antique était un modèle unique de civilisation.
