Par: Hanaa Khachaba
Le sommet de Charm Al-Cheikh, co-présidé par les présidents Abdel Fattah Al-Sissi et Donald Trump vise à transformer l’accord de cessez-le-feu en Gaza en un cadre de reconstruction et de gouvernance. Les pays arabes saluent l’initiative et demandent des garanties humanitaires ; l’Europe propose un rôle de supervision et des financements conditionnés; les Etats-Unis se posent en architecte du plan, mais suscitent méfiance et demandes de précisions.
L’enjeu du sommet
Le sommet rassemble une vingtaine de leaders pour consolider le cessez-le-feu, accélérer l’aide humanitaire et définir les modalités de la reconstruction et d’une administration intérimaire à Gaza. Il se tient alors que la première phase de l’accord, échanges d’otages et relâche de prisonniers, est en coursd’exécution.
Réactions arabes : Entre soutien enthousiaste et exigences précises
Egypte (pays hôte)
Le Caire affirme son rôle de médiateur central. En accueillant le sommet l’Egypte cherche à « garantir la mise en œuvre du cessez-le-feu et la sécurisation des corridors humanitaires », tout en pilotant les discussions sur la phase de stabilisation et reconstruction. Le message officiel insiste sur la nécessité d’un « mécanisme international » de suivi.
Qatar
Doha s’engage à « ne ménager aucun effort » en faveur des Palestiniens et appelle à la mise en place rapide de mécanismes assurant l’accès de l’aide et la protection civile. Le ministère qatari des Affaires étrangères a insisté sur la pleine mise en œuvre des dispositions du cessez-le-feu.
Arabie saoudite
Riyad asaluél’accord et exprimé son appréciation pour le rôle des facilitateurs, mais a clairement appelé à ce que les engagements humanitaires soient assortis de garanties concrètes pour éviter une nouvelle détérioration.
Jordanie, Emirats et autres Etats arabes
La Jordanie et plusieurs pays du Golfe encouragent une coordination arabe renforcée pour la reconstruction, tout en demandant que la souveraineté et la représentation palestinienne soient respectées dans toute solution post-conflit. Les voix arabes veulent des actes (financements, corridors, institutions) au-delà des déclarations.
Position palestinienne
L’Autorité palestinienne (AP) formule sa volonté de participer à une administration transitoire à Gaza sous supervision internationale, mais le sujet reste sensible, notamment face à l’opposition du Hamas à toute « désarmement » forcé. Le rôle de l’AP dans la phase de stabilisation est au cœur des tensions à régler.
L’Europe : Soutien conditionnel et promesses financières
France
Emmanuel Macron se rend à Charm Al-Cheikh pour soutenir le cessez-le-feu et a réitéré la volonté française de « jouer un rôle » dans la stabilisation et la reconstruction, tout en rappelant la nécessité d’un « contrôle des droits humains » et de garanties politiques (y compris la perspective à long terme d’une solution à deux Etats). La France propose également d’étudier une participation à une force internationale de stabilisation.
Royaume-Uni
Le Royaume-Uni annonce un important financement humanitaire ciblé (environ £20m pour eau/assainissement/hygiène) et proposera d’organiser une conférence dédiée au financement de la reconstruction. Londres exclut toute participation du Hamas à une future administration de reconstruction.
Union européenne & autres capitales européennes
Bruxelles et plusieurs Etats européens affichent un soutien diplomatique mais conditionnent le déblocage massif d’aides à des mécanismes de supervision transparents et à des garanties sur l’utilisation des fonds et la protection des civils. L’UE insiste sur la nécessité d’éviter une « dépendance » budgétaire sans contrôle externe.
Les Etats-Unis : Moteur politique du cessez-le-feu
Le président Trump a annoncé que la première phase du plan était acceptée et s’est montré triomphant : « Je suis très fier d’annoncer qu’Israël et le Hamas ont signé la première phase de notre plan de paix », déclarant que la guerre « était terminée » et se déplaçant en Israël puis en Egypte pour consolider l’accord. Ces propos font office d’impulsion politique mais soulèvent des questions sur la mise en œuvre opérationnelle.
Outre l’annonce présidentielle, l’administration (via ses envoyés) promeut un calendrier d’échanges d’otages et de libération de prisonniers, accompagné d’un plan d’aide et d’une architecture de sécurité. Mais des diplomates et observateurs américains reconnaissent que « les modalités de mise en œuvre » restent floues et nécessitent un suivi multilatéral ferme.
Extraits de déclarations
· Emmanuel Macron (résumé de position) : Le président français a salué une « grande espérance » et réaffirmé la volonté de la France de « jouer un rôle » dans la stabilisation, tout en rappelant la nécessité de garanties politiques et du respect des droits humains.
· Qatar (communiqué officiel) : Doha « ne ménagera aucun effort » pour l’action humanitaire et le suivi du cessez-le-feu.
· Royaume-Uni (Keir Starmer) : Annonce d’un financement ciblé pour l’eau et l’assainissement et engagement à organiser une conférence sur la reconstruction.
Le sommet de Charm Al-Cheikh incarne à la fois une opportunité rare de traduction politique d’un cessez-le-feu et le début d’une phase où la diplomatie devra remplacer la logistique militaire. Les déclarations officielles sont nombreuses et volontaristes, mais le succès dépendra rapidement d’instruments concrets : mécanismes de vérification, financement assuré, coordination humanitaire sur le terrain et acceptabilité politique palestinienne. Sans ces éléments, le risque d’un retour à l’instabilité restera élevé.
La presse mondiale commente
Presse britannique : Scepticisme et réalisme diplomatique
The Guardian
« Le monde se félicite du cessez-le-feu, mais la paix durable reste fragile. Ceux qui ont armé le conflit se posent désormais en médiateurs. L’heure n’est pas à l’autosatisfaction, mais à la responsabilité. »
— Nesrine Malik, chroniqueuse internationale.
The Times
« Charm Al-Cheikh devient l’arène d’un équilibre délicat : Trump veut inscrire son nom dans l’Histoire, Sissi veut affirmer la centralité égyptienne, et l’Europe observe, prudente, depuis les coulisses. »
— Analyse politique, The Times.
Presse américaine : Entre fierté politique et doutes stratégiques
The New York Times
« L’administration Trump revendique un succès historique, mais les diplomates rappellent que la première phase du plan ne règle ni la question du désarmement du Hamas, ni celle du statut futur de Gaza. »
— David Sanger, spécialiste du Moyen-Orient.
Associated Press
« Les dirigeants du monde entier saluent l’accord, mais beaucoup avertissent que sans un mécanisme clair de suivi, le cessez-le-feu pourrait s’effriter avant la fin du mois. »
— AP News International.
Presse arabe : Appui fort et avertissement clair
Asharq Al-Awsat
« L’Egypte confirme sa position de médiatrice clé et de garante de la stabilité régionale. Le monde arabe soutient le sommet, mais prévient : aucune paix durable sans justice pour le peuple palestinien. »
— Editorial politique.
Al-Jazeera
« Le sommet de Charm Al-Cheikh pourrait ouvrir un nouveau chapitre, à condition que la reconstruction ne soit pas utilisée comme monnaie d’échange politique. »
— Analyse régionale.
Presse européenne : Optimisme prudent et engagement conditionnel
Le Monde
« Le pari diplomatique est considérable : après deux ans de guerre, les capitales européennes saluent la médiation égyptienne, tout en insistant sur la nécessité d’un cadre politique durable et vérifiable. »
— Jean-Pierre Filiu, Le Monde diplomatique.
Der Spiegel
« L’Allemagne soutient le plan de paix américain mais exige la participation d’observateurs internationaux. La reconstruction sans responsabilité, c’est une bombe à retardement », prévient un diplomate allemand. »
— Der Spiegel, rubrique Weltpolitik.
Presse turque
Anadolu Agency
« La Turquie considère le sommet comme une chance unique d’instaurer un mécanisme de gouvernance inclusive à Gaza, sans marginaliser les acteurs palestiniens. »
— Agence Anadolu, dépêche diplomatique.
