

C’est un ouvrage précieux consacré aux géants de la musique arabe orientale, écrit par Hassan Zaki. Le livre s’intitule “Anfas min Nour” (Souffles de Lumière) avec pour sous-titre “Biographie musicale de quatre génies de la mélodie orientale”.
L’œuvre se concentre sur quatre figures majeures de la musique égyptienne : Abdel Halim Abdel Hak (1906), Ahmed Sidky (1916), Mahmoud El Sherif (1912) et Ali Ismail (1922). Ce quatuor représente ce que l’auteur considère comme la “seconde génération” des grands compositeurs égyptiens.
Dans sa préface émouvante, l’auteur évoque l’Egypte comme une nation inspirante dont l’héritage culturel millénaire transcende les époques. Il développe une réflexion profonde sur la nature de l’art comme véritable patrimoine transmis des ancêtres aux descendants — non pas comme simple objet de fierté, mais comme un pont vivant entre les générations, un canal permettant la transmission des idées et philosophies à travers le temps.
Le livre s’inscrit dans une collection intitulée “Musique”, publiée par le Centre d’Abou Dhabi de langue arabe à l’occasion de la désignation d’Abou Dhabi comme “Ville de la Musique” par l’UNESCO en 2021. Cette collection vise à enrichir la bibliothèque arabe avec des ouvrages originaux sur la musique et le chant, contribuant ainsi à la promotion de la langue arabe et au soutien de la créativité musicale.
L’auteur situe son récit à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, période où l’Egypte connaissait un remarquable essor culturel et intellectuel. Il mentionne également d’autres figures légendaires de la musique égyptienne, comme Oum Kalthoum (1898), et évoque comment les bouleversements historiques tels que la Première Guerre mondiale ont influencé le paysage culturel égyptien.
Ce qui transparaît avec force est l’admiration profonde de l’auteur pour ces artistes qui ont consacré leur vie non seulement à leur génie créatif, mais aussi à enrichir la mémoire collective égyptienne à travers leur art musical, devenant ainsi des ponts culturels entre différentes époques de l’histoire égyptienne.
Ci-dessous une traduction d’un extrait du texte :
« Abd- al-Azim Abd al-Haqq
Par un matin béni du premier jour du premier mois de l’année 1906, dans le village d’Abu Qurqas de la province de Minya, une mère donna naissance à son troisième fils. Les youyous et les trilles de joie s’élevèrent. Le père l’avait nommé “Abd al-Azim”. L’enfant vécut sa période d’allaitement et quelques années qui suivirent avec un corps frêle et un œil perçant qui laissait deviner derrière lui un esprit perspicace. Son regard, lui aussi, captait tout ce qu’il pouvait saisir de la nature et des prémices de la vie rurale dans l’Egypte de cette époque. Il goûta aux fruits de tous les jardins de la nature difficile, qui s’éloignaient à mesure qu’on s’éloignait du centre. Le soleil y brillait sans artifice, et les nuits y demeuraient sans lumières, excepté à la mi-lune chaque mois, qui effaçait l’esprit des veilleurs et des contemplatifs. Le père continuait à aspirer à ce que son troisième fils devienne lui aussi ministre, comme ses deux frères aînés : Abd al-Hamid Pacha Abd al-Haqq et Abd al-Majid Pacha Abd al-Haqq.
Les érudits du village
Abd al-Azim Abd al-Haqq rejoignit l’école coranique pour apprendre le Coran et sa récitation. Durant cette période d’apprentissage, des signes de passion spirituelle marquèrent son âme. L’enfant manifesta des signes d’engouement et d’amour pour l’écoute et le chant, commençant par l’écoute des cheikhs qui se rendaient dans les demeures des familles, ou se déplaçant lui-même vers les villages voisins pour écouter les nuits de dhikr et de chants. Abd al-Azim aimait écouter son maître à l’école coranique, qui avait décelé le talent du jeune garçon et l’avait associé à la récitation des louanges prophétiques, comme le poème “Al-Burda”. »
Un deuxième extrait met en lumière une deuxième personnalité :
« Mahmoud El-Cherif
Mahmoud El-Cherif est né dans la ruelle El-Khamam du quartier Bacos, dans le gouvernorat d’Alexandrie, le 2 septembre 1912. Il était le cinquième enfant du Cheikh « Hussein Ibrahim Abou Omar El-Cherif », imam de la mosquée « Sidi Mohamed El-Agami ». Son père était passionné par le chant et les cercles de dhikr (récitation liturgique), ce qui fit de Mahmoud, dès son plus jeune âge, un enfant attiré par la musique, du fait de sa proximité avec son père et des cercles auxquels ce dernier l’emmenait dans leur demeure, située dans l’un des plus anciens quartiers populaires d’Alexandrie. Il se retrouva ainsi directement exposé à la musique traditionnelle, l’apprenant au contact même de la vie.
Le Cheikh Hussein était l’un des maîtres des voies soufies et originaire de Ras El-Ber, dans le gouvernorat de Kafr El-Sheikh. Connu pour sa dévotion, il quitta son lieu natal à l’âge de seize ans, voyageant à pied vers Jérusalem. Là-bas, il se retira dans la mosquée d’Ibrahim El-Khalil, s’isolant pendant sept années dans la dévotion et l’ascèse, indifférent aux affaires mondaines. Un jour, entendant les gens parler de la révolution d’Orabi, il ne put s’empêcher de se hâter vers son pays natal, louant une embarcation à voile qui le ramena auprès de sa famille, dont faisaient partie ses grands-parents paternels et maternels ainsi que toute sa parenté qui habitaient la région de Beheira.
Le destin voulut qu’il rencontre certains cheikhs à Alexandrie, parmi lesquels le cheikh de la mosquée de l’Imam El-Boussiri qui l’hébergea, originaire de son village. Le cheikh de la mosquée lui procura un emploi dans l’une des moulures, ce qui lui permit de devenir le gendre d’une famille alexandrine en épousant l’une des filles de la ville.