Au sein de l’effervescence de la 32ᵉ édition du Festival des Clubs Théâtraux, un bijou dramatique s’est imposé : « Supprimable », une création de la troupe de Kom Ombo qui explore avec une poignante justesse les déchirements de la cellule familiale.
C’est dans la pénombre feutrée du théâtre de Qanater al-Khairia que le rideau s’est levé sur « Supprimable », pièce signée Taḥā al-Aswānī et mise en scène par Alī ʿAbd al-Jawwād. Dès les premières répliques, le public est saisi par le portrait d’un jeune homme aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique, traumatisé par une épreuve dont l’ombre plane sur chaque dialogue.
La scénographie, sobre et immersive, confie aux projecteurs le soin de souligner l’étau psychologique dont se débat le héros. À ses côtés, une actrice en situation de handicap illumine la scène : son personnage n’est pas un simple faire-valoir, mais la preuve vivante que l’art du partage naît de la plus belle intégration.
Dans une famille éclatée, le père est absent depuis longtemps, ouvrant la voie à un dérèglement des repères. La mère, incarnée avec une tendresse douloureuse par Iman Nūbī, porte sur ses épaules dix-huit années de responsabilités, sacrifiant souvent son propre équilibre. À mesure que l’énigmatique « Kamal », ami du couple, se mêle à leur quotidien, le fils s’enfonce dans les doutes et l’isolement, jusqu’à accuser sa mère d’une trahison imaginaire.
Mohammad Farāj, en Hādī, offre une performance saisissante : chaque geste, chaque silence évoque la violence d’un esprit qui vacille. Son interprétation met en exergue les manifestations subtiles du désordre mental et invite à la compréhension plutôt qu’à la stigmatisation.
Surplombant cette intrigue, la pièce livre un message clair : la maladie psychique ne saurait être un prétexte à banaliser la violence, mais doit être appréhendée avec sérieux et compassion. Le metteur en scène le souligne : « Nous avons voulu montrer qu’au théâtre, comme dans la vie, l’écoute et l’accueil sont indispensables pour panser les blessures invisibles. »
Au final, « Supprimable » est bien plus qu’un spectacle : c’est un appel vibrant à l’empathie et à la responsabilité collective. Dans les rangs, le public retient son souffle, ému par ce miroir tendu sur nos propres fragilités et par le rappel que, parfois, le salut naît de la parole partagée.