
Un nouveau chapitre s’ouvre sur l’une des nécropoles les plus fascinantes d’Égypte
Au cœur des plaines de la Sharqiya, là où la poussière du temps semble déposer un manteau de mystère sur chaque pierre, Tanis continue d’écrire son histoire dans le langage silencieux des vestiges. Depuis des décennies, ce site mythique attire archéologues et historiens, tous saisis par la profondeur de ses secrets et par la promesse d’une Égypte encore méconnue. Aujourd’hui, une nouvelle page s’ajoute à ce récit millénaire, portée par un souffle d’émotion et de découverte.
La mission archéologique française opérant dans la zone de San el-Hagar, sous la direction du Dr Frédéric Payraudeau de l’Université de la Sorbonne, a réalisé l’une des avancées les plus marquantes depuis les explorations fondatrices de 1946. En nettoyant minutieusement le sol de la chambre nord de la tombe du roi Osorkon II, appartenant à la 22ᵉ dynastie, les chercheurs ont mis au jour un ensemble exceptionnel : 225 figurines funéraires (oushebtis) du roi Chéchonq III, l’un des souverains les plus influents de son époque, réputé pour son empreinte architecturale à Tanis. Ces statuettes, retrouvées dans leur position d’origine, reposaient sous des couches de limon, à proximité d’un sarcophage en granit jusque-là anonyme.
Ce trésor inattendu a permis de lever le voile sur une énigme archéologique qui intriguait les chercheurs depuis des décennies. Selon le Dr Mohamed Ismail Khaled, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités, ces découvertes constituent « un tournant majeur dans les fouilles de Tanis, un événement sans équivalent depuis 1946 ». Les nouvelles analyses indiquent en effet que le sarcophage non inscrit serait celui du roi Chéchonq III lui-même. Cette révélation ouvre la voie à de nouvelles études sur les pratiques funéraires royales de la 22ᵉ dynastie : le roi fut-il enterré dans la tombe d’Osorkon II, ou bien son mobilier funéraire y fut-il transporté plus tard pour être préservé des pillages ?

Le Dr Khaled a également salué la coopération exemplaire entre l’équipe française et les autorités égyptiennes, rappelant que Tanis demeure un site d’une richesse inépuisable, dont chaque pierre pourrait encore révéler un fragment d’histoire. Dans le même esprit, Mohamed Abdel-Badie, directeur du secteur des Antiquités égyptiennes, a annoncé la découverte de nouvelles inscriptions dans la même chambre, un ajout précieux pour comprendre l’évolution des usages funéraires royaux.
Depuis 1929, la mission française travaille main dans la main avec le Conseil suprême des Antiquités pour étudier et restaurer ce complexe royal unique. Le Dr Hisham Hussein, responsable des Antiquités du Delta, a précisé que les travaux en cours s’inscrivent dans une vaste campagne de protection des tombes, incluant l’installation d’un abri moderne et un traitement minutieux des structures afin de réduire les effets du salpêtre.
Pour le Dr Payraudeau, l’étape à venir sera consacrée à l’étude approfondie des inscriptions nouvellement découvertes et à la poursuite du nettoyage de la chambre. « Beaucoup de questions demeurent, confie-t-il. Nous ne savons pas encore avec certitude si le roi Chéchonq III fut inhumé directement dans cette tombe ou si ses objets funéraires y furent déplacés pour les mettre à l’abri. Le travail à accomplir est immense, mais chaque fragment nous rapproche un peu plus de la vérité. »
Ainsi, Tanis délivre encore une fois une part de son âme, rappelant au monde que sous ses pierres silencieuses sommeille une histoire inachevée. Chaque découverte y résonne comme une invitation : celle de poursuivre la quête, d’écouter les murmures des rois oubliés et de laisser la science redonner voix aux millénaires. Et dans cette lumière fragile qui émane des tombes rouvertes, une certitude s’impose : l’Égypte ancienne n’a pas fini de révéler son éternité.





