L’art corporel, en particulier le tatouage, a joué un rôle significatif dans de nombreuses cultures anciennes, y compris l’Égypte antique. Longtemps négligé par les égyptologues, ce sujet a connu un regain d’intérêt ces dernières années, grâce à de nouvelles découvertes archéologiques et à l’utilisation de technologies avancées. Cet article explore les significations, les techniques et l’importance culturelle des tatouages et du body art dans l’Égypte antique.
Les preuves les plus anciennes de tatouages en Égypte remontent à la période prédynastique (c. 4000-3100 av. J.-C.). Des figurines en argile de cette époque, connues sous le nom de “figurines de fertilité”, présentent des motifs géométriques qui sont interprétés comme des représentations de tatouages (Tassie, 2003).
Cependant, les preuves les plus concrètes proviennent de momies tatouées. La plus célèbre est Amunet, une prêtresse de la déesse Hathor, datant de la 11e dynastie (c. 2134-1991 av. J.-C.). Son corps momifié présente des tatouages de points et de lignes sur l’abdomen, les bras et les cuisses (Keimer, 1948).
Plus récemment, des examens par imagerie infrarouge ont révélé des tatouages sur plusieurs momies de Deir el-Médina, un village d’artisans datant du Nouvel Empire (c. 1550-1070 av. J.-C.). Ces découvertes ont considérablement élargi notre compréhension de la pratique du tatouage dans l’Égypte ancienne (Austin & Gobeil, 2016).
Les tatouages dans l’Égypte antique avaient diverses significations :
- 1. Protection et guérison : Certains tatouages, en particulier ceux situés sur l’abdomen et les cuisses des femmes, étaient considérés comme ayant des propriétés protectrices pendant la grossesse et l’accouchement (Tassie, 2003).
- 2. Statut social et religieux : Les tatouages pouvaient indiquer un statut social élevé ou une affiliation religieuse. Par exemple, les prêtresses d’Hathor étaient souvent tatouées (Austin & Gobeil, 2016).
- 3. Symboles de fertilité : De nombreux motifs tatoués, comme les points et les lignes sur l’abdomen, étaient associés à la fertilité et à la sexualité féminine (Keimer, 1948).
- 4. Marques apotropaïques : Certains tatouages étaient conçus pour repousser le mal ou attirer la bonne fortune (Poon & Quickenden, 2006).
Les techniques de tatouage dans l’Égypte antique ont évolué au fil du temps. Les méthodes suivantes ont été identifiées :
- 1. Piqûre et couture : Cette technique primitive consistait à piquer la peau avec une aiguille et à y insérer un fil imprégné de pigment (Poon & Quickenden, 2006).
- 2. Incision : La peau était incisée et le pigment frotté dans la plaie (Tassie, 2003).
- 3. Piqûre multiple : Des aiguilles multiples étaient utilisées pour piquer la peau et y introduire le pigment, une technique similaire au tatouage moderne (Austin & Gobeil, 2016).
Les pigments utilisés étaient généralement à base de suie ou de charbon de bois, mélangés à différents liants. Des analyses chimiques récentes ont également révélé l’utilisation d’oxyde de fer dans certains cas (Poon & Quickenden, 2006).
Outre les tatouages, les Anciens Égyptiens pratiquaient d’autres formes d’art corporel :
- 1. Henné : Bien que moins permanent que le tatouage, l’utilisation du henné pour la décoration corporelle était répandue, en particulier pour les célébrations et les rituels (Cartwright-Jones, 2011).
- 2. Peinture corporelle : Des pigments étaient appliqués directement sur la peau pour des occasions spéciales ou des rituels religieux (Tassie, 2003).
- 3. Scarification : Bien que moins documentée que le tatouage, la scarification était probablement pratiquée, en particulier dans les classes inférieures (Poon & Quickenden, 2006).
Le tatouage et l’art corporel en Égypte ancienne étaient profondément ancrés dans le contexte social et culturel. Contrairement à certaines idées reçues, le tatouage n’était pas limité aux classes inférieures ou aux esclaves. Des preuves suggèrent que des personnes de tous rangs sociaux, y compris la royauté, pouvaient être tatouées (Austin & Gobeil, 2016).
La pratique du tatouage était particulièrement associée aux femmes, bien que des momies masculines tatouées aient également été découvertes. Cette association avec le féminin a conduit certains chercheurs à suggérer un lien entre le tatouage et le culte de certaines déesses, notamment Hathor (Tassie, 2003).
La pratique du tatouage en Égypte ancienne a connu des changements significatifs au fil du temps. Alors que les premières preuves montrent des motifs géométriques simples, les tatouages de la période du Nouvel Empire sont plus complexes, incluant des représentations de divinités et des hiéroglyphes (Austin & Gobeil, 2016).
Cette évolution reflète probablement des changements plus larges dans la société égyptienne, notamment dans les croyances religieuses et les pratiques rituelles.
L’étude des tatouages et du body art dans l’Égypte antique offre un aperçu fascinant de la vie quotidienne, des croyances religieuses et des pratiques culturelles de cette civilisation. Bien que longtemps négligé, ce domaine de recherche gagne en importance, révélant de nouvelles perspectives sur la société égyptienne ancienne.
Les découvertes récentes et l’utilisation de nouvelles technologies promettent de futures révélations passionnantes dans ce domaine. Alors que nous continuons à déchiffrer les significations et les techniques de cet art corporel ancien, nous approfondissons notre compréhension de la complexité et de la richesse de la culture égyptienne antique.