Comment Donald Trump fera-t-il campagne à présent qu’il a été inculpé ? Et comment gouvernerait-il s’il était de nouveau élu président… alors qu’il se trouverait en prison ? Peut-on lire sur les pages de La Tribune par Stefanie Lindquist, Arizona State University
Un grand jury de Manhattan vient de mettre en examen l’ancien président Donald Trump. Les chefs d’inculpation exacts n’ont pas été rendus publics, mais ils sont liés à l’enquête ouverte par le procureur de Manhattan Alvin Bragg sur le versement d’une importante somme d’argent à une actrice juste avant l’élection présidentielle de 2016. C’est la première fois dans toute l’histoire du pays qu’un président ou ancien président des États-Unis est inculpé. Pour autant, Trump ne va sans doute pas renoncer à sa campagne présidentielle qui doit, espère-t-il, lui permettre de retrouver en 2024 le poste qu’il a perdu en 2020 face à Joe Biden. Quelles conséquences cette mise en examen et le procès sur lequel elle pourrait déboucher auront-ils sur la campagne et, si cette dernière est couronnée de succès, sur le mandat 20242028- de Donald Trump ?
Que dit la Constitution ?
L’article II de la Constitution américain énonce des conditions très explicites pour l’exercice de la présidence : le président doit être âgé d’au moins 35 ans, résider aux ÉtatsUnis depuis au moins 14 ans et en être un citoyen de naissance. Par le passé, dans des affaires comparables ayant trait à des membres du Congrès, la Cour suprême a statué que les conditions indiquées dans la Constitution pour accéder aux postes électifs représentaient un « plafond constitutionnel » et qu’aucune condition supplémentaire ne pouvait y être ajoutée d’aucune façon que ce soit. Ainsi, puisque la Constitution n’exige pas que le président ne soit pas inculpé, condamné ou emprisonné, il s’ensuit qu’une personne inculpée ou emprisonnée peut se présenter à ce poste et peut même exercer la fonction présidentielle. C’est la norme juridique qui s’applique à Donald Trump : selon la Constitution, son inculpation et son éventuel procès ne l’empêcheraient pas de se porter candidat et, le cas échéant, d’exercer la fonction suprême. Il n’en demeure pas moins qu’une inculpation et, à plus forte raison, une condamnation, sans même parler d’une peine d’emprisonnement, compromettraient considérablement la capacité d’un président à exercer ses fonctions. Et la Constitution ne fournit pas de réponse facile au problème que poserait l’exercice du pouvoir par un chef de l’exécutif aussi affaibli.
Que dit le ministère de la Justice ?
Un candidat à la présidence peut être inculpé, poursuivi et condamné par les autorités d’un des 50 États du pays ou par les autorités fédérales. L’inculpation pour un délit au niveau d’un État (ce qui est le cas dans l’affaire Trump/Daniels, le procureur de Manhattan relevant de l’État de New York) peut sembler moins importante que des accusations fédérales portées par le ministère de la Justice. Mais en fin de compte, le spectacle d’un procès pénal, qu’il se tienne dans un tribunal d’État ou dans un tribunal fédéral, aura nécessairement un impact majeur sur la campagne présidentielle d’un candidat et sur sa crédibilité de président s’il venait tout de même à être élu. Tous les accusés sont présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit prouvée. Mais en cas de condamnation, une incarcération – que ce soit dans une prison d’État ou dans une prison fédérale – impliquerait évidemment des restrictions de liberté qui compromettraient considérablement la capacité du président à diriger le pays. Le fait qu’il serait difficile à un président d’exercer ses fonctions s’il était mis en examen ou condamné a été souligné dans une note de service rédigée par le ministère de la Justice en 2000. Cette note s’inspirait d’une note intitulée « Possibilité pour le président, le vice-président et d’autres fonctionnaires de faire l’objet de poursuites pénales fédérales pendant qu’ils sont en fonction ». Cette dernière avait été rédigée en 1973, pendant le Watergate, quand le président Richard Nixon faisait l’objet d’une enquête pour son rôle dans ce scandale tandis que le vice-président Spiro Agnew faisait pour sa part l’objet d’une enquête du grand jury pour fraude fiscale. Ces deux notes portaient sur la question de savoir si, en vertu de la Constitution, un président en exercice pouvait être inculpé pendant qu’il était en fonction. Les deux textes ont conclu que ce n’était pas le cas. Mais qu’en serait-il d’un président inculpé, condamné, ou les deux… avant son entrée en fonctions, comme cela pourrait être le cas pour Trump ? Les notes de 1973 et de 2000 mettent en évidence les conséquences d’une inculpation sur l’exercice de ses fonctions par le président, la note de 1973 employant des termes particulièrement forts : « Le spectacle d’un président inculpé essayant encore d’exercer ses fonctions de chef de l’exécutif dépasse l’imagination. » De façon plus précise, les deux notes observent que des poursuites pénales à l’encontre d’un président en exercice pourraient entraîner « une interférence physique avec l’exercice par le président de ses fonctions officielles qui équivaudrait à une incapacité », ne serait-ce que parce qu’un procès pénal réduirait considérablement le temps que le président pourrait consacrer à ses lourdes fonctions… et parce que, naturellement, un tel procès pourrait aboutir à un emprisonnement du chef de l’État.