Par Samir Abdel-Ghany
- Sous le signe de l’encre et de la passion : Hommage vibrant à l’artiste jordanien Hakim Jamain












C’était un jour rare, suspendu dans le temps comme une estampe ancienne qu’on découvre dans un grenier baigné de lumière. Ce jour-là, la beauté avait rendez-vous avec l’émotion sur le campus de l’Université Egypto-Russe, à l’occasion de la Journée mondiale de la gravure. Un événement exceptionnel s’y tenait : une exposition dédiée à l’art de la « printmaking », célébrée avec ferveur et intelligence, sous l’égide d’un invité d’honneur de renom — le maître jordanien de la gravure, Hakim Jamain.
Dès l’entrée, un sentiment d’allégresse enveloppait les lieux. J’étais accompagnée d’un aréopage d’artistes et d’universitaires éminents : Ahmed Abdel Karim, Taher Abdel Azim, Mohamed Al-Nasser, Hassan Ghanem, Haitham Ghorab, Mervat Chazly… ainsi que le photographe talentueux Hassan Dawoud, et des artistes en pleine lumière comme Fathi Ali, Reda Khalil, Samar Salah, Sondos Dagher et Georgette. Une constellation d’âmes sensibles réunies pour célébrer le beau.
C’est le doyen de la faculté, le Dr Mohamed Orabi, qui nous accueillit avec chaleur, son sourire irradiant de fierté. C’est lui, nous dit-on, qui fut le moteur silencieux de cette réussite, prodiguant conseils et soutien avec une générosité rare. Dans ses pas, des professeurs, des assistants et des étudiants enthousiastes formaient une symphonie d’énergie créative. On sentait que la passion y était un art de vivre.
Le campus lui-même était un écrin idéal pour un tel hommage : architecture contemporaine, espaces lumineux, équipements généreux… Mais ce qui transcendait les murs, c’était cette vibration vivante, celle des jeunes. Leurs regards curieux, leur silence attentif devant les œuvres, leur participation assidue aux ateliers : tout cela annonçait un avenir prometteur pour l’art en Egypte.
Un moment de grâce surgit lorsque le professeur Ahmed Abdel Karim surprit l’assistance en réalisant plusieurs œuvres abstraites à l’encre colorée. Des compositions à la fois spontanées et sophistiquées, qui éveillèrent l’envie d’imiter… mais les tentatives de tous, aussi enthousiastes soient-elles, ne purent atteindre la même poésie.
Dans un autre registre, le professeur Ahmed Eid, maître du dessin et esprit moqueur, transforma un pilier de la faculté en galerie de caricatures, croquant avec tendresse les visages des étudiants. Une bouffée de rire partagée, comme un clin d’œil joyeux dans cette journée d’hommage.
Mais l’âme véritable de l’événement fut sans conteste la présence du grand artiste jordanien Hakim Jamain. Véritable légende dans le monde de la gravure, il dirigea l’atelier artistique avec une humilité profonde et un feu sacré dans le regard. Chaque mot, chaque geste qu’il offrit aux étudiants portait le poids de décennies de création, de questionnements, d’exploration technique et poétique.
Son empreinte, au sens propre comme au figuré, marqua la journée. Le Dr Hassan Ghanem, lui-même graveur d’exception, déclara à son sujet :
« Hakim Jamain n’est pas seulement un artiste, c’est un pionnier. Il conjugue la tradition et la modernité, racontant des histoires dans chaque plaque, éveillant l’âme à travers la matière. Ce qui le distingue, c’est sa foi profonde dans la transmission. Il considère que l’art est une mission, un legs sacré. »
Ce fut cette volonté de transmettre que nous vîmes briller dans les yeux des étudiants. À la fin de l’atelier, plusieurs d’entre eux présentèrent leurs impressions, leurs premières œuvres. Elles vibraient d’une émotion naïve mais sincère, révélant un apprentissage fécond. Dans chaque ligne gravée, il y avait un remerciement discret, une gratitude silencieuse envers ceux qui leur avaient tendu la main.
Ce jour-là, l’art n’était pas qu’exposé, il était partagé. Il était souffle, transmission, mémoire. Une alchimie rare avait opéré : celle du savoir et de la passion réunis, de la technique et du cœur liés par l’encre.
À l’artiste Hakim Jamain, à l’Université Egypto-Russe et à tous ceux qui ont rendu cette journée possible, va notre salutation émue. Car dans chaque plaque imprimée, c’est un monde qui renaît.