Mise au jour dans la Grande enceinte de Saqqarah, une statue familiale de l’Ancien Empire présente une innovation sculpturale jamais attestée auparavant : une fillette figurée en bas-relief au sein d’un groupe funéraire. Une découverte qui offre un éclairage nouveau sur les pratiques artistiques de l’époque.
Par Marwa Mourad
Une composition familiale typique… en apparence
La statue récemment étudiée dans le Journal of Egyptian Archaeology représente un noble debout, son épouse agenouillée contre sa jambe droite et leur enfant. À première vue, la scène semble respecter les conventions iconographiques de l’Ancien Empire : le père adopte la posture traditionnelle, le pied gauche en avant, vêtu d’un pagne mi-plissé et coiffé d’une perruque courte stylisée. Le sculpteur a accordé une attention particulière aux détails anatomiques, notamment aux pectoraux, aux épaules et aux bras, témoignant du statut élevé du personnage.
L’épouse, figurée à une échelle réduite comme le veut la norme, porte une robe fourreau, un large collier et une perruque au carré. Agenouillée, les bras enroulés autour de la jambe de son mari, elle rappelle la gestuelle intime observée dans certaines statues royales, dont celle de Djédefrê conservée au Louvre.
Une fillette figurée selon une technique jamais vue
L’élément le plus surprenant de la composition est la présence de leur fille, représentée derrière la jambe gauche du père, tenant une oie dans sa main. Ce motif, courant dans les scènes murales de l’Ancien Empire, symbolisait souvent les provisions destinées au défunt dans l’au-delà. Ici, faute de peintures conservées dans la tombe, cette figure sculptée aurait pu remplir la même fonction rituelle.
Mais c’est surtout la manière dont l’enfant est représentée qui constitue une première : contrairement aux parents sculptés en ronde-bosse, elle apparaît en bas-relief, intégrée à la surface arrière du monument. Aucune autre statue funéraire connue de la période ne mêle ainsi les deux techniques au sein d’un même groupe familial.
Une découverte qui rebat les cartes de l’Ancien Empire
Les chercheurs rapprochent cette œuvre de la statue d’Irukaptah, datant de la Ve dynastie, qui présente une composition similaire — à ceci près que l’enfant y est sculpté en ronde-bosse. La statue de Saqqarah, trouvée hors contexte probable-ment abandonnée par des pilleurs, ne peut être datée précisément, mais son style, sa posture et ses proportions la rattachent clairement à la même période.
Pourquoi le sculpteur a-t-il choisi d’utiliser deux techniques différentes ? L’étude ne propose pas encore de réponse définitive. Ce choix artistique demeure une énigme, mais il suffit à faire de cette statue la première du genre connue dans tout l’Ancien Empire.





