Au XXIᵉ siècle, courir vite, bien faire et ne jamais lâcher l’affaire est devenu un sport quotidien. Chronomètre dans une main, café dans l’autre, l’humanité avance à grandes enjambées. Les Égyptiens, eux, ont trouvé mieux que des manuels de développement personnel : des mots savoureux, des expressions qui claquent et des proverbes qui résument toute une philosophie… avec panache et un sourire en coin.
Lahlouba, ou l’art de tout réussir (presque trop bien) Quand une personne – le plus souvent une femme – abat un travail impeccable à la vitesse de l’éclair, on dit d’elle qu’elle est lahlouba. Traduction libre : une machine de précision, multitâche, organisée, efficace… et légèrement intimidante. Elle fait tout, tout de suite, et sans transpirer. Un don rare. À l’opposé du spectre se trouve la redoutée borotta, créature mythique de l’inaction, spécialiste du « je verrai plus tard ». Moralité : mieux vaut viser la lahlouba que sombrer dans la borotta.
Etléhi, ou quand le sérieux prend une claque Dans le dialecte cairote, etléhi peut signifier, selon le ton, « lâche-moi », « tais-toi » ou une version plus fleurie que la bienséance nous empêche d’écrire. Pourtant, son origine arabe, lahwe, renvoie à l’amusement, à la distraction, au manque de sérieux. Les Égyptiens ont simplement poussé le concept un cran plus loin : quand quelqu’un dépasse les bornes de la légèreté, on l’invite gentiment… à disparaître du champ auditif.
Proverbes
El hob bahdala, l’amour version montagnes russes En Égypte, l’amour ne se contente pas de faire battre le cœur : il le malmène. El hob bahdala signifie littéralement que l’amour est une épreuve, une maltraitance douce-amère. L’amoureux en sort fatigué, ébouriffé, parfois amaigri, souvent dramatique. Corps et âme en prennent pour leur grade. Mais rassurez-vous : s’il fait mal, c’est qu’il est authentique… ou du moins, c’est ce que l’on se raconte pour tenir le coup.
Ottou gamal, quand le chat devient chameau Ce proverbe savoureux compare le chat au chameau. Dire d’une personne que « son chat lui semble un chameau », c’est pointer son talent exceptionnel pour l’exagération. Un petit souci devient une tragédie antique, une contrariété se transforme en catastrophe nationale. Tout est amplifié, mis en scène, dramatisé. Bref, le mélodrame est un art, et certains en sont de véritables virtuoses.
Renversez la marmite, la fille sort de sa mère Elib el idra ala fomha titlaa el bent lomha. Littéralement : renversez l’ustensile de cuisine et la fille apparaît, copie conforme de sa mère. Version égyptienne de « telle mère, telle fille ». Ressemblance physique, caractère, petites manies : tout y passe. Sosie ou non, en Égypte, on aime croire que les traits se transmettent comme des recettes familiales, de génération en génération, avec parfois un ingrédient surprise.
En somme, à travers ces expressions hautes en couleur, les Égyptiens racontent la vie telle qu’elle est : rapide, excessive, passionnée et souvent hilarante. Une sagesse populaire qui ne manque ni d’efficacité… ni d’autodérision.





