Par: Marwa Mourad
Depuis quelques jours, les images de pastèques se multiplient sur les réseaux sociaux et s’invitent dans les manifestations pro-Palestine. Mais qu’est-ce que cela signifie ? On vous explique. Vous avez peut-être vu sa peau striée et sa chair granuleuse passer sur vos écrans ces derniers temps. Floquée sur des vêtements, brandie sur des pancartes, postée sur les réseaux sociaux sous forme d’un émoji…
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, la pastèque est partout. Peintures, dessins ou émoji, ce fruit, de la famille des cucurbitacées, est utilisé comme symbole de revendication dans la lutte pro-Palestine. Mais pourquoi ? Explications.
Un peu d’histoire
Pour comprendre le phénomène, on fait un saut dans les années 1960, et plus précisément en 1967, année charnière du conflit israélo-palestinien. Au terme de la guerre des Six-Jours, menée du 5 au 10 juin, l’État juif agrandit considérablement son territoire en annexant plusieurs régions (Gaza, Cisjordanie, Sinaï et une partie du Golan). Alors que le gouvernement israélien a formellement prohibé l’affichage de leur drapeau, les Palestiniens tentent de contourner cette interdiction, et brandissent dans les rues des pastèques fendues. Et pourquoi ce symbole ? Une chair rouge, des pépins noirs et une peau blanche et verte : une fois coupée, ce fruit laisse apparaître les quatre couleurs de la nation dudit drapeau.

Un enjeu actuel
Depuis, la question du drapeau palestinien reste toujours très sensible et son statut évolue sans cesse. En 1993, il est de nouveau reconnu comme associé à l’Autorité palestinienne, après la signature des accords d’Oslo, et son utilisation est de nouveau autorisée. Mais en janvier 2023, le ministre de la Sécurité nationale israélien, Itamar Ben-Gvir, ordonne une nouvelle fois l’interdiction du drapeau palestinien dans les lieux publics. Il déclare notamment sur X (anciennement Twitter) que celui-ci montrerait « une identification avec une organisation terroriste dans la sphère publique ». Depuis le 7 octobre 2023, alors que le Proche-Orient s’embrase de nouveau, la question du drapeau palestinien revient sur le tapis, et son utilisation est fortement contestée par plusieurs personnalités politiques. La ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, Suella Braverman, a notamment déclaré dans un communiqué, il y a deux semaines, que « brandir un drapeau palestinien ou scander des slogans pro-palestiniens, pourrait constituer un délit criminel ». Dans les manifestations ou sur les réseaux sociaux, le symbole de la pastèque est donc largement utilisé depuis quelques jours, en signe de résistance pacifique, et pour braver les interdictions et autres restrictions.
« Même si tu peins une pastèque, elle sera confisquée »
Malgré son utilisation antérieure, le fruit rouge et vert ne devient officiellement un symbole d’espoir et de résistance que dans les années 1980. Dans une interview donnée au média AJ +, en juin 2021, le peintre palestinien Sliman Mansour revient sur l’anecdote qui a inspiré les artistes locaux et définitivement associé la pastèque à la résistance palestinienne. Il raconte son interaction avec la police israélienne, venue confisquer certains de ses tableaux. Son art est jugé alors trop « politique », pour avoir « intégré les couleurs du drapeau palestinien dans ses œuvres ». Réprimandé, il est invité par les forces de l’ordre à peindre autre chose, moins engagé, comme des fleurs. L’artiste aurait demandé à un policier s’il avait le droit de peindre des fleurs aux couleurs du drapeau palestinien, ce à quoi l’officier aurait rétorqué : « Même si tu peins une pastèque, elle sera confisquée ». Inspiré par cette discussion, Sliman Mansour choisit donc d’adopter officiellement ce fruit comme symbole de résistance, et entraîne avec lui artistes et militants, de Gaza et au-delà.
