Après la seconde guerre mondiale, la bande dessinée est devenue un moyen d’expression universel. Contrairement à ce que l’on a tendance à croire, le Monde arabe n’a pas échappé à ce phénomène international, mais la bande dessinée y a évolué dans des conditions différentes de celles du modèle occidental.
La première caractéristique de cette bande dessinée arabe réside dans le fait que les premières planches étaient strictement réservées aux pages de revues pour enfants déjà existantes. La seconde est d’ordre culturel et géographique : si les publications étaient, dès leurs débuts, panarabes, le modèle d’influence basculait toutefois entre deux centres : le Levant (et à son centre Beyrouth) et l’Égypte, qui jouissait d’une hégémonie politique et culturelle dans la région. Le Maghreb a suivi un itinéraire différent, vue la prédominance de la langue française dans ses publications, ce qui allait limiter sa circulation panarabe.
Sindibad
Les calligraphies de ce livre sont nées dans la contemplation d’un jardin zen à Kyoto au Japon. Les rochers y sont des îles émergeant d’une mer de sable blanc. Hassan Massoudy, ému par la pureté de cette esthétique, répond à un appel intérieur qui le pousse à mêler ses lettres arabes à ce sobre paysage.
De retour de ce lointain séjour, c’est Sindbad le voyageur infatigable des Mille et une Nuits qui s’impose à lui. Comme le calligraphe, Sindbad a quitté Bagdad pour des contrées inconnues. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, le périple se termine toujours par la plénitude.
L’histoire de Sindbad, issue de l’imaginaire populaire, a été forgée par des centaines de conteurs au fil des ans. Elle renvoie l’homme à son éternel désir d’aller toujours plus loin vers l’infini, d’allonger le temps afin d’étancher sa soif de découvertes.
Ici sont contés trois des sept voyages du célèbre marin, aventures extraordinaires et fantastiques. Ils sont extraits des Mille et une Nuits texte traduit de l’arabe au début du XVIIIe siècle par Antoine Galland, ou plutôt «mis en français» comme il se plaisait à le dire. Sa traduction a fait connaître en Occident ce recueil devenu depuis un classique.
Après Le Voyage des Oiseaux et L’Epopée de Gilgameshv Hassan Massoudy poursuit avec Sindbad son travail autour des grandes figures mythiques de l’Orient.
Hassan Massoudy, calligraphe arabe, a exercé à Bagdad jusqu’à son arrivée en France en 1969. Diplômé de l’École nationale des beaux-arts, il expose régulièrement, anime des ateliers et fait des démonstrations publiques de calligraphie. Il a publié chez Flammarion, Phébus et Albin Michel. Aux éditions Alternatives, il a calligraphié Le Poète du désert, Le Passant d’Orphalèse, L’Exil, Le Jardin Perdu, Calligraphie de terre, Le Voyage des oiseaux, Calligraphie du désert, Calligraphie pour l’Homme et L’Histoire de Gilgamesh.
Né en 1646, Antoine Galland, premier traducteur des Mille et Une Nuits, fait connaître ces contes au monde entier. Lors de sa fonction de secrétaire d’un ambassadeur de Louis XIV, il apprend l’arabe à Constantinople. Il rapporte de ses voyages des manuscrits arabes qu’il traduit alors. Il s’éteint en 1715 en laissant une oeuvre considérable derrière lui.
Samir
Le premier magazine égyptien pour enfants, al-Samir al-Saghir, est édité dès 1893. Mais il faut attendre 1940 pour voir se multiplier en Égypte les publications pour enfants, parmi lesquelles al-Katkut et Bulbul. En janvier 1952, Dar al-Maaref crée Sindibad, qui paraîtra jusqu’en 1957. Au sommaire : des récits illustrés, des jeux et des contes. Elle ouvre le marché à d’autres revues pour enfants dont la célèbre Samir (1955), qui publie alors des bandes originales arabes et des bandes étrangères traduites, essentiellement de l’américain et du français. Dans les années 1960, la BD franco-belge envahit le Moyen-Orient et l’Égypte, affaiblissant la position fragile de la BD arabe.
Des héros combattants en Egypte
Très vite, les héros de bande dessinée sont envoyés sur le terrain des combats, avec pour slogan « Tous pour la résistance populaire », en couverture du numéro 592 de Samir, slogan repris par des personnages comme Joha ou Samir lui-même.
Dans la mesure de leurs moyens, les dessinateurs s’engagent en se partageant les champs d’action : ainsi, Samir et Tahtah sont transformés par Nassim en commandos, alors que Farid cœur d’acier accomplit des missions militaires. Seul Zaghloul Effendi, le personnage d’Ellabbad, bien qu’impliqué dans la guerre, conserve son humour et sa naïveté.