Écrivaine imaginative, proche de la nature et intéressée tant par l’Histoire que par l’équilibre écologique, Mireille Gagné a trouvé une manière fascinante de relier la fabrication d’anthrax à Grosse-Île en 1942, les insectes piqueurs qui envahissent les berges du Saint-Laurent en été et une bizarre épidémie de rage dans le coin de Montmagny dans son nouveau roman, Frappabord. Son livre, écologique, intrigant, subtil et tumultueux à souhait rappelle à quel point l’humain peut être destructeur quand il fait des recherches scientifiques.
Qui est Mireille Gagné ?
Autrice (romancière, nouvelliste et poète), Mireille Gagné est née à l’Isle-aux-Grues et vit à Québec. Elle a publié cinq recueils de poésie : Les oies ne peuvent pas nous dire (Éditions de l’Hexagone, 2010), Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas (L’Hexagone, 2015), Minuit moins deux avant la fin du monde (L’Hexagone, 2018), Le ciel en blocs (L’Hexagone, 2020) et Bois de fer (La Peuplade, 2022). Elle a également publié deux recueils de nouvelles Noirceur et autres couleurs (Trampoline, 2010) et Le syndrome de takotsubo (Sémaphore, 2018). Grâce à son premier roman Le lièvre d’Amérique (La Peuplade, 2020), elle est notamment lauréate d’Une ville, un livre 2021, lauréate du Prix de création littéraire 2021 du Salon international du livre de Québec et de la Ville de Québec, finaliste du Prix Les Inrockuptibles catégorie Premier roman, finaliste du Prix Wepler – Fondation La Poste, première sélection 2021 du Prix des libraires du Québec et Mention spéciale du jury du Prix Senghor. Elle a publié un second roman intitulé Frappabord (La Peuplade, 2024).
De quoi il s’agit?
Les satanés frappabords (ou mouches à chevreuil) arrachent la peau en piquant. Et si ceux-ci devenaient des armes de destruction massive ? Campé au large de Montmagny, ce roman se déroule tantôt en 1942, quand des chercheurs travaillent à la mise au point d’armes bactériologiques, tantôt maintenant, au moment où une vague de chaleur — et de frappabords ! — rend la population agressive. Il propose un équilibre parfait entre le passé et le présent, et inclut même d’habiles petits chapitres qui présentent le point de vue de l’insecte honni. L’intrigue est plutôt limpide et se laisse dévorer d’une traite.
Quel en est le but ?
En entrevue, Mireille Gagné révèle que de curieux hasards ont donné naissance à ce roman à lire absolument. «Quand j’ai voulu écrire le livre, je me concentrais sur la Grosse-Île. J’allais faire mon enquête là», dit-elle. «J’étais dehors. Je loue souvent les tipis à côté du bateau. Et j’ai été attaquée de toutes parts. On était au mois de juin et il y avait au moins quinze frappabords qui me tournaient autour.» Elle s’est réfugiée à l’intérieur et a écrit le premier chapitre du roman, qui décrit l’attaque machiavélique d’un frappabord sur un humain. À ces récits parallèles dont les liens apparaissent assez rapidement s’ajoute celui d’une mouche, aspect tout à la fois insolite et presque dérangeant. Du point de vue de l’insecte, nous voici emportés dans une série de souvenirs, depuis sa naissance aux différents moments de son existence. Une perspective qui ne manque pas d’intriguer et apporte une dimension surréaliste : la mouche devient moraliste, conscience de notre monde révélant à l’humanité en déréliction toute sa vanité…