Interviewé par le Rédacteur en Chef : Mohamed El Sayed El Azzawy
A l’occasion de la Fête nationale du 14 Juillet, Le Progrès Egyptien a tenu à interviewer M. Marc Baréty, l’ambassadeur de France en Egypte. Lors de cette rencontre amicale, Son Excellence a passé en revue des dossiers d’ordre local ainsi que la profondeur des relations franco-égyptiennes.
Une intéressante interview, où l’ambassadeur a parlé de l’échange économique et commercial entre les deux pays.
Le diplomate français a également parlé de la participation de la France à la Cop27 et d’autres dossiers épineux d’intérêt commun, à lire sur les pages de notre numéro spécial.
• Tenant compte que c’est votre première mission diplomatique en Egypte. Que pensez-vous des relations et des échanges commerciaux entre l’Egypte et la France? Prévoyez-vous de nouveaux projets entre les deux pays au cours de la prochaine période, alors que le monde connaît une grave crise mondiale ?
Les relations économiques entre les deux pays sont bonnes. Les chiffres sont indicateurs, avec 7 milliards d’euros d’investissements. En termes de commerce, nous, la France, nous exportons 2 milliards d’euros vers l’Egypte et cette dernière nous exporte entre 600 et 700 millions d’euros. L’Egypte c’est le 7e plus grand partenaire avec la France. Je pense aussi que nous pouvons faire mieux encore, puisque nous ne sommes pas parmi les 10 premiers fournisseurs de l’Egypte.
Il y a certes des démarches de progression à ce niveau, et cela va de pair avec le développement de l’Egypte et des méga-projets qui sont conjointement mis en place en Egypte, comme ceux de l’infrastructure et d’autres, comme ceux avec l’Agence française de développement (AFD).
La France est très active surtout au niveau du transport, comme par exemple le projet de métro. Nous sommes davantage présents dans le domaine de l’eau et il y a aussi d’autres domaines dans lesquels, nous pouvons intervenir encore mieux. Considérant les domaines nouveaux, comme l’intelligence artificielle, l’automobile, l’environnement, de nombreux projets écologiques sont prévus, comme celui de verdir Suez, cette ville qui entreprend des démarches pour se transformer en une ville verte. Des sociétés françaises sont en contact avec les autorités du Canal pour mettre en place lesdits projets verts (assainissement, recyclage des déchets, verdir le long du Canal, etc…) et d’autres… je pense que ces domaines nous intéressent aussi bien que les autorités égyptiennes.
La France travaille également à soutenir et à développer les petites et moyennes entreprises. Vous savez que souvent ce sont les PME qui donnent la force au commerce. Il y a un important potentiel de commerce avec l’Egypte. Ceci dit, en parlant des crises, l’Egypte a traversé 3 crises, mais tout est derrière vous et la situation s’est remarquablement stabilisée. Beaucoup de choses ont été faites pour réaliser le développement du pays.
En ce qui concerne la crise mondiale de la pandémie du Covid-19, il faut souligner que l’Egypte s’en est bien tirée, puisqu’elle a réussi à réaliser de très bons taux de croissance.
Au niveau de la crise ukrainienne, l’Egypte en a été affectée tout comme le monde entier, avec les problèmes alimentaires et l’inflation et donc la hausse des cours de toutes les choses.
Je pense que le commerce bilatéral, de manière conjoncturelle, sera peut-être peu affecté, les statistiques le montreront, mais il y a un potentiel d’investissement satisfaisant avec deux aspects économiques qui sont particulièrement importants : le blé et les céréales pour l’Egypte et le gaz pour nous en Europe. Nous les Français, nous avons essayé de mettre un dispositif de trois piliers pour répondre aux demandes égyptiennes :
1- La fourniture de blé à l’Egypte. On donne la priorité à l’Egypte.
2- Un dispositif européen qui consiste à permettre à l’Egypte de construire des silos de réserve et aussi de développer sa situation agricole (100 millions d’euros sont consacrés à cela). La France va s’occuper de la partie “silo”. Il y a aussi l’initiative qui s’appelle “FARM”, c’est un dispositif qui permet à la fois de répondre aux demandes d’urgence des pays.
3- Importer les capacités de production.
Voilà ce qui compte au niveau de la sécurité alimentaire, et en parlant avec en plus, la dimension militaire, car s’il y a maintenant une crise au niveau des céréales c’est à cause de la guerre russe, non pas à cause des sanctions européennes. Il n’y a aucune sanction sur le blé et il n’y a aucune sanction contre l’Ukraine. Pourquoi alors les quantités de blé ukrainien ne sont pas sur le marché ? C’est parce que les voies d’exportation sont bloquées par la Russie. Le Président Poutine parle de partenariat avec l’Afrique et en même temps, bloque les exportations.
Nous, la France, sommes aux côtés de l’Egypte pour faire face à cette crise. L’Egypte est pour nous un pays important et indispensable, qui a du potentiel. Sur le plan économique, il y a des perspectives entre les deux pays qui s’ouvrent. Nous sommes engagés dans maints projets communs, comme déjà susmentionnés (le transport, la santé, l’eau, l’énergie verte comme le solaire, et aussi maintenant la production de l’hydrogène vert).
Au niveau de la sécurité alimentaire, il y a un projet qui me semble très important, financé par l’AFD. Celui du développement du marché de gros en Egypte. Entre le producteur et le consommateur, il y a tous les intermédiaires et principalement le marché de gros, qui permet d’éviter beaucoup de quantités de gaspillage.
Nous avons également signé un MoU avec l’Egypte, au niveau de la haute technologie et de l’intelligence artificielle, aussi bien que les véhicules électriques, puisque c’est l’avenir et les entreprises françaises sont intéressées par l’approche égyptienne pour la localisation de l’industrie.
• Verra-t-on bientôt un sommet France-Afrique pour renforcer encore davantage les relations entre les deux bords ?
Il y avait en fait le Sommet Afrique-France à Montpellier en novembre dernier. L’Egypte y a été représentée, mais c’était un sommet au niveau des sociétés civiles, avec plusieurs thèmes et notamment le thème économique. Les Sommets entre les Africains et les Français sont réguliers.
• Pouvez-vous nous parler de la participation de la France à la COP27 au vu des changements climatiques sur le plan mondial ?
Pour le climat, la France est bien intéressée, puisque c’est l’Accord de Paris qui a permis de relancer beaucoup de choses autour de ce sujet extrêmement important. Evidemment, la France participera activement à la COP27. Notre ambassadeur pour le climat s’est rendu en Egypte pour discuter de ce sujet. Les entreprises françaises sont en train de travailler pour présenter la vision de notre pays à ce propos lors de la COP27. C’est essentiel pour les entreprises, puisque c’est le rôle de tous. Les gouvernements y jouent un rôle de régulation, de mise en oeuvre des lois et les entreprises ont un autre rôle à jouer, aussi bien que les citoyens. C’est une question qui concerne toutes les sections de la société.
Nous félicitons l’Egypte pour sa présidence de cette prochaine édition de la COP. Cela permettra de donner un éclairage particulier sur l’Afrique. Ça sera une COP de mise en oeuvre, si vous voulez, pour revoir les démarches et ce qui a été réalisé des décisions prises. C’est une COP d’approche globale aussi. Nous faisons confiance à l’Egypte d’arranger et d’être le facilitateur des compromis nécessaires, étant donné que l’Egypte est un joueur diplomatique important et de poids. Cela nous rend confiants que l’Egypte aussi réussira à réaliser beaucoup d’accords qui seront conclus à cet égard.
• L’AFD a une large contribution en Egypte au niveau du climat. Que pouvez-vous dire sur ce point ?
L’AFD est un instrument qui joue un rôle très important à plusieurs niveaux et entreprend beaucoup de démarches au niveau de la lutte contre le réchauffement climatique et dans la lutte pour la préservation de l’environnement. L’AFD, dans ses objectifs et dans ses projets, doit avoir une partie climat qui est très importante. Par exemple, 10% de ces projets doivent être consacrés à ce but pour aussi lutter contre la pollution. Ce sont des sujets qui sont parfaitement pris en compte par l’AFD dans sa stratégie. Et c’est très significatif.
• Si nous parlons de la coopération culturelle entre l’Egypte et la France, verra-t-on de nouveaux projets à ce niveau, comme par exemple une deuxième université française ou d’autres projets ?
Au niveau de l’enseignement, les nouveaux locaux de l’Université française en Egypte sont en cours d’exécution et l’AFD y joue là aussi un rôle. 12 millions d’euros de dons et de prêts sont consacrés aux projets d’éducation en Egypte. Les filières qui sont établies doivent principalement bien fonctionner et répondre aux besoins de l’économie égyptienne, avant de penser à une deuxième université.
Au niveau des établissements scolaires, nous avons ici en Egypte 14 écoles homologuées, qui permettent de produire des jeunes gens qui sont prêts à suivre leurs études dans les filières françaises, car ils ont reçu la bonne formation nécessaire pour cela.
Je pense que nous pouvons développer davantage la coopération culturelle entre les deux pays et nous travaillons à nouer des contacts entre les universités qui se trouvent en France et celles de l’Egypte. L’éducation est une sorte aussi d’investissement et il existe en Egypte tout comme en France, des investisseurs qui sont intéressés à créer et à développer une situation éducative primaire et secondaire en Egypte.
L’occasion est disponible pour les étudiants égyptiens à poursuivre leurs études dans les universités françaises. Il y a en fait de nombreux protocoles à cet égard concernant les bourses ou les frais. Ces derniers restent remarquablement abordables en comparaison à d’autres pays européens. Pour y faire, il faut passer par le portail “Parcoursup” pour s’inscrire et poursuivre les études en France.
• Concernant l’IFAO et les missions archéologiques françaises en Egypte. Pouvez-vous nous en parler ?
La France a 35 missions archéologiques qui travaillent ici en Egypte. Il y a l’IFAO et d’autres instituts qui ont des fouilles. C’est un volet qui marche bien. Nous avons de bons contacts avec les autorités égyptiennes. C’est un partenariat exemplaire. La coopération en matière d’archéologie est une vieille histoire. Nous célébrons cette année le bicentenaire de Champollion qui a déchiffré la Pierre de Rosette. On ne parle pas là d’une aventure française, mais d’une aventure franco-égyptienne. Je pense qu’on pourra prochainement annoncer un certain nombre d’actions nouvelles dans ce domaine.
• Que pensez-vous de la coopération politique entre l’Egypte et la France surtout au niveau de la lutte contre le terrorisme ?
La coopération politique entre les deux pays dépasse de loin l’action antiterroriste. Nous avons une coopération à tous les niveaux. Il y a beaucoup de sujets globaux aussi, comme nous avons déjà parlé de la COP. Nous discutons avec l’Egypte aussi de sujets régionaux, comme les dossiers de la Libye, le Moyen-Orient, le sujet Palestine-Israël, le Liban ou la Syrie. Evidemment, l’essentiel est d’avoir des échanges constructifs pour réaliser la stabilité dans la région, qui est l’objectif de la France et de l’Egypte. Le terrorisme n’est pas donc le seul sujet politique à discuter, étant donné que la stabilité passe aussi par le volet du développement. Il y a aussi l’aspect opérationnel au niveau de la lutte contre le terrorisme, et là, l’Egypte et la France échangent et coopèrent sur ces sujets qui sont extrêmement importants.
Notre ambassadeur pour la lutte contre le terrorisme était en Egypte pour discuter de différents aspects et ce sont des échanges substantiels avec les autorités égyptiennes à ce sujet.
• Il y a un potentiel de commerce important avec l’Egypte
• L’Egypte a fait beaucoup de démarches pour se stabiliser et réaliser son développement
• L’Egypte s’est bien tirée de la crise du Covid-19, réalisant de très bons taux de croissance
• Nous sommes aux côtés de l’Egypte pour faire face à la crise du blé
• Un projet important pour le développement du marché de gros en Egypte est engagé avec l’AFD
• Les entreprises françaises sont intéressées par l’approche égyptienne pour la localisation de l’industrie
• La France participera activement à la COP27
• La COP égyptienne permettra de donner un éclairage particulier sur l’Afrique
• L’Egypte est connue pour être un joueur diplomatique important et de poids
• L’éducation est une sorte d’investissement et beaucoup sont intéressés à développer une situation éducative performante en Egypte
• L’archéologie est une vieille histoire avec l’Egypte et nous parlons d’une aventure franco-égyptienne en célébrant le bicentenaire de Champollion
• Nous discutons avec l’Egypte de maints sujets globaux et régionaux, dans le but de réaliser la stabilité