La population de Shanghaï, l’une des villes les plus peuplées du monde, endure un confinement extrêmement strict. Témoignage et analyse « de l’intérieur ». Par Fabien M. Gargam, Université Paris-Saclay, publié dans La Tribune, le 20 Mai 2022. Environ 400 millions d’habitants localisés dans 45 villes chinoises font depuis des semaines l’objet d’un confinement plus ou moins strict dû à la recrudescence du variant Omicron. Enseignant-chercheur de nationalité française, l’auteur du présent article vit lui-même un confinement partiel à proximité de Shanghaï. Ce texte a été coécrit avec Yuzhen Xie, cadre de nationalité chinoise dans une entreprise multinationale qui, pour sa part, se trouve en situation de confinement total à l’intérieur de la ville. L’étude porte sur Shanghaï mais la réflexion est transposable dans tout l’empire du Milieu. Shanghaï est aujourd’hui le « poumon économique » de la République populaire de Chine, elle-même « futur centre du monde économique ». Trois classements internationaux permettent de mieux visualiser la puissance de cette mégapole : elle occupe le troisième rang des villes les plus peuplées du monde, recensant plus de 25 millions d’habitants ; elle est la troisième place financière mondiale et première asiatique, ayant traité plus de 2 500 000 milliards de yuans (environ 350 000 milliards d’euros) de transactions en 2021 ; et elle a été classée, pour la douzième année consécutive, premier port mondial à conteneurs en 2021. Confrontée à une résurgence épidémique en mars, Shanghaï s’était initialement montrée réticente au confinement total de sa population compte tenu de l’importance de la mégapole pour l’économie chinoise et mondiale. Cependant, la flambée des cas a vite rétabli la stratégie dite « zéro Covid », ayant pour objectif d’éviter les décès et l’engorgement du système sanitaire. La mise sous cloche de 25 millions d’habitants à Shanghaï en deux phases a été officialisée le 27 mars 2022. À cette date, la ville comptabilisait 52 cas symptomatiques et 3 450 cas asymptomatiques. La stratégie dite « zéro Covid » mise en œuvre par la Chine laisse les médias étrangers, et notamment français, dubitatifs. Ils questionnent son coût et son efficacité, et soulignent ses effets négatifs, parmi lesquels on peut citer la fermeture de certaines usines, le ralentissement des transports de marchandises, le recul de la consommation et le malaise de certains habitants. Celui-ci s’est exprimé de diverses façons : cris, mécontentement et incompréhension. À l’instar du confinement strict à Wuhan pendant 76 jours en 2020, les mesures coercitives appliquées à Shanghaï ont déclenché des signes de protestation qui sont néanmoins restés minoritaires. Tout bien considéré, les médias français dépeignent la stratégie chinoise comme de l’obstination et la déclaration de Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS, l’illustre clairement : « La Chine n’est pas la France, où Olivier Véran peut dire tout et son contraire en huit jours. Si Xi Jinping change de stratégie, cela voudra dire qu’il s’est trompé, ce qui passerait plutôt mal ».Les médias reportent également les répercussions du confinement sur la communauté des expatriés. Du côté des organisations, Sybille Dubois-Fontaine, directrice générale du Comité France Chine, exprime les difficultés pour les sièges parisiens de gérer à distance leurs filiales sans pouvoir se déplacer. Du côté des individus, leur nombre a diminué de 21 % entre 2010 et 2020 jusqu’à représenter 0,72 % de la population shanghaïenne selon les derniers chiffres du recensement. Les Français ressentent de la déception et certains envisagent même de quitter la Chine en raison des mesures drastiques déployées. De plus, ils n’ont pas pu se rendre aux urnes pour participer à la présidentielle 2022 puisque le vote en ligne n’est pas autorisé.Dans la sphère professionnelle, le télétravail est devenu le nouveau quotidien des citadins shanghaïens.